Suite à la crise sanitaire, Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, dresse le bilan en Afrique. Si la pandémie de Covid-19 semble épargner un bon nombre de pays africains, les conséquences économiques, sanitaires et humanitaires sont importantes. La France et plus largement l’Union Européenne, sont mobilisées sur tous les fronts pour aider l’Afrique à y faire face. Intervention du Ministre au Sénat.
Mobilisation de la France en Afrique : générosité ou bénéfices ?
Jean-Yves Le Drian établit un point de situation générale en Afrique. Il constate que la pandémie de Covid-19 semble, aujourd’hui, épargner certains pays du continent africain. Si les raisons ne sont pas scientifiquement identifiées pour le moment, selon le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, « on peut imaginer qu’il y a une détection moins importante qu’ailleurs mais qui n’explique pas le faible taux de pénétration ».
Néanmoins l’Afrique se retrouve face à une difficulté, puisqu’elle doit « anticiper les conséquences humanitaires de la crise pandémique » prévient Jean-Yves Le Drian.
L’aide humanitaire française mais aussi européenne est très présente en Afrique. Cependant, la fermeture des frontières et des lignes aériennes ont fait fortement chuter les missions humanitaires, jusqu’à les réduire à néant dans certaines zones.
Pour palier à cela, la France a pris des initiatives aux côtés de 18 pays européens et africains dans le cadre d’une mobilisation mondiale « pour aider l’Afrique à affronter la crise dans toutes ses dimensions ».
Santé, économie et humanitaire sont les trois points sur lesquels la France veut appuyer son aide. Elle entend renforcer son aide bilatérale sur les systèmes de santé nationaux à hauteur d’un milliard d’euros.
Jean-Yves Le Drian est formel : il veut que la France aille plus loin dans cette aide. Il souhaiterait annuler la dette de certains pays africains pour qu’ils puissent « passer cette période difficile ».
La France, aux côtés de ses alliés, a mis en place « un pont humanitaire aérien européen » pour du matériel, des fournitures ainsi que du personnel dans les pays les plus en difficulté.
« Il faut lier solidarité et intérêts collectifs dans cette affaire » indique Jean-Yves Le Drian
Si cette initiative est le signe d’une générosité indéniable de la France, est-ce le seul moteur ?
Le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères vient contrebalancer son propos. Il admet que le caractère solidaire des actions menées est lié à l’histoire conjointe de la France et de l’Afrique mais plus que tout, cette initiative est dans l’intérêt sanitaire de la France.
« Si d’aventure la pandémie était enrayée en Europe et qu’elle se développait en Afrique, alors nos propres intérêts auraient été contrebalancés ».
En Afrique Subsaharienne, la France face à la montée du terrorisme
Interpellé sur le Mali, Jean-Yves Le Drian se dit plutôt confiant : « je suis moins pessimiste que je ne l’ai été auparavant ».
Reprise du comité de suivi de l’accord de paix, redéploiement des forces armées maliennes à Kidal ou encore tenue des élections législatives. Compte tenu de la crise sanitaire et du contexte de sécurité actuel, il dresse un bilan positif au Mali venant justifier son optimisme.
Concernant la lutte contre le terrorisme, il se félicite de « la coordination efficace de Barkhane, la force conjointe du G5 et les armées nationales dans la zone des trois frontières ». Le ministre vient tout de même préciser que la zone est toujours fragile. Effectivement, les groupes terroristes profitent de cette pause due à la pandémie de Covid-19 pour revoir leurs différentes stratégies.
Aussi, il soulève une nouvelle problématique: la montée de la rivalité entre les groupes terroristes. Selon Jean-Yves Le Drian, ces divisions témoignent d’un changement du rapport de force au sein même des groupes terroristes.
Vers une résolution des conflits aux portes de la méditerranée ?
« Nous sommes devant une Syrianisation’ de la Libye ». Les mots employés par le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères sont durs. Il fait un constat désolant : les combats se poursuivent en Libye et les accords de Berlin signés en janvier dernier ne sont pas respectés.
Si le terme de « syrianisation » est fort, Jean-Yves Le Drian vient préciser son propos. La présence de la Turquie et de la Russie sur le territoire libyen déchire le pays. Il appelle au respect de l’accord de Berlin qui prévoit une trêve, un cessez-le-feu et la remise en marche du processus diplomatique. Il précise « [qu’] il n’y aura pas de solution militaire » à ce conflit mais qu’il se rendra en Italie dès que possible pour s’entretenir avec son homologue de l’évolution de la situation en Libye.
Jean-Yves Le Drian alerte sur le risque de voir dégénérer « une situation conflictuelle » à seulement 200 kilomètres des côtes européennes, il y voit une menace pour la sécurité européenne mais également pour l’Algérie et la Tunisie.
Concernant la Turquie, les discussions se poursuivent, notamment sur le pacte migratoire. Depuis 2016, l’Union Européenne apporte un financement à la Turquie en échange des actions menées pour les réfugiés sur leur territoire. Cependant, Jean-Yves Le Drian estime « [qu’] il faut une explication franche avec la Turquie » mais pas seulement sur la question des migrations.
Méditerranée orientale, situation libyenne, actions sur le nord-est syrien: le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères revendique une discussion globale avec le gouvernement turc. « Il importe qu’il y ait une nouvelle donne sur les relations avec la Turquie » rappelle Jean-Yves Le Drian.
Jessica Mohammedi en direct de Paris au Sénat
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