Depuis une décennie, la rive sud de la Méditerranée connaît une transformation profonde de ses alliances économiques. Face à une Europe perçue comme repliée sur elle-même et moins réactive aux attentes de ses partenaires méridionaux, les pays du Sud méditerranéen intensifient leurs liens avec d’autres régions du Sud global, notamment l’Afrique subsaharienne, l’Asie et l’Amérique latine.
Un basculement stratégique vers le Sud
Ce mouvement s’inscrit dans une dynamique globale de coopération Sud-Sud, qui vise à renforcer l’autonomie et la croissance des pays en développement en multipliant les échanges politiques, économiques, techniques et culturels entre eux. L’Algérie, par exemple, affirme de plus en plus son identité géoéconomique méditerranéenne tout en consolidant sa profondeur africaine, misant sur des partenariats régionaux pour accélérer son développement. Le Maroc, de son côté, se positionne comme une plateforme entre l’Afrique, l’Amérique latine et l’Asie, mettant en avant son expertise dans les énergies renouvelables et l’agriculture pour attirer des partenaires du Sud.
Des potentialités économiques considérables
L’Afrique et l’Amérique latine disposent ensemble de plus de 70 % des terres arables mondiales et d’immenses ressources naturelles, encore largement sous-exploitées. La jeunesse de leurs populations, leur potentiel en énergie verte et les grands projets d’infrastructures, comme l’Initiative atlantique stratégique du Maroc, ouvrent la voie à une nouvelle ère de prospérité commune et de solidarité Sud-Sud. Cette dynamique s’accompagne d’une volonté de transformer ces ressources en richesses partagées, en misant sur la formation, l’innovation et la circulation des personnes et des marchandises.
Les limites persistantes de la coopération Sud-Sud
Malgré cette accélération, la coopération Sud-Sud reste confrontée à des défis structurels : barrières tarifaires et non tarifaires, faiblesse des flux d’investissement, insuffisance des liaisons logistiques et domination des acteurs étatiques dans les échanges. Les investissements étrangers directs proviennent encore majoritairement du Nord, même si la tendance évolue lentement avec l’arrivée de nouveaux acteurs comme la Chine et l’Inde.
L’Europe en retrait, la Méditerranée en recomposition
Selon un rapport prospectif du World Economic Forum, l’Europe risque de manquer une nouvelle phase de croissance et de prospérité dans le Sud de la Méditerranée si elle ne prend pas en compte ce basculement. Les élites économiques et politiques du Sud méditerranéen se montrent désormais plus réticentes à investir dans la relation euro-méditerranéenne, préférant miser sur les marchés émergents du Sud. La région MENA s’affirme ainsi comme une passerelle clé entre l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine, redéfinissant les flux commerciaux et les alliances stratégiques.
Vers une nouvelle identité Sud-Méditerranéenne
L’essor de la coopération Sud-Sud façonne une nouvelle identité pour la rive sud de la Méditerranée, qui s’érige progressivement en puissance émergente, plus autonome et moins dépendante de l’Europe. Cette recomposition des échanges Nord-Sud et Sud-Sud pourrait, à terme, transformer durablement l’équilibre économique et politique du bassin méditerranéen.
« Grâce à ces marchés potentiels nouveaux et dynamiques, les pays nord-africains se désintéresseront progressivement des initiatives de l’UE. La région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), à ce moment, commencera à atteindre une stabilité relative. Avec l’augmentation de la coopération Sud-Sud, une nouvelle identité Sud Méditerranéenne se développera et la région s’érigera en puissance des marchés émergents de plus en plus influents avec de nouvelles élites gouvernantes bien consolidées. »
Ce virage stratégique, s’il se confirme, pourrait faire de la Méditerranée non plus seulement un point de contact entre le Nord et le Sud, mais un véritable carrefour des Suds, ouvert sur le monde et moteur d’un nouveau cycle de croissance globale.





















Réagissez à cet article