Tout le monde pensait que Abdelmalek Sellal allait continuer tranquillement sa mission de Premier ministre jusqu'au bout du quatrième mandat de Bouteflika. Le Président surprend son monde en nommant, Abdelmadjid Tebboune, à sa place, puis Ahmed Ouyahia il y a quelques semaines. La scène politique s'est alors très vite emballée et ce qui semble être une lutte au sommet de l'Etat allait trahir les actes et paroles des uns et des autres.
Nalyd Neskar nous a d’abord interpellé sur les réseaux sociaux à la suite d’un article sur la politique économique du Premier Ministre Algérien Abdelmadjid Tebboune. Le point de vue détaillé et singulier de son auteur a attiré la curiosité de la rédaction. Pour cela, nous avons choisit de vous faire partager son témoignage poignant sur ce qu’il pense de l’avenir de son pays. Nous vous rappelons toutefois que les opinions exprimées dans cet article n’engagent que l’auteur et ne sauraient refléter la position de la rédaction. La véracité des propos exprimés ici ne pourraient aucunement être considérés comme des faits.
Bedda Mahdjoub ministre de l’Industrie Algérien : l’homme qui créa le débat
C’est d’abord le nouveau ministre de l’industrie, M. Bedda Mahdjoub, qui ouvre les hostilités. Il critique frontalement les projets industriels de son prédécesseur et promet de sévir contre l’importation de véhicules automobiles, à peine déguisé par quelques opérations de montage en guise de processus industriel douteux. Tout le monde avait compris, que Tahkout, un homme réputé très proche de Ouyahia et promoteur de l’usine de Tiaret (en partenariat avec le sud-coréen Hyundaï) était visé. L’inauguration de son usine avait en effet reçu une salve de critiques sur les réseaux sociaux.
Quelques temps après et à la surprise générale, Ouyahia, Ministre d’Etat, Chef de cabinet de la Présidence de la République, enfilant la casquette de chef de parti a fait une déclaration tonitruante à l’encontre des migrants subsahariens les accusant de mettre en danger le pays, le tout ponctué par des propos franchement racistes. Il n’en fallait pas plus pour agiter la scène politique et mettre les réseaux sociaux en ébullition. Il est vrai que la sortie de Ouyahia avait reçu l’adhésion d’un nombreux public même si elle fut violemment critiquée par les Organisations des Droits de l’Homme. L’homme, aux prétentions de présidentiable, sait surfer sur les vagues qui portent et veut montrer à ses adversaires que les prochaines échéances ne se feraient pas sans lui. Cette sortie de Ouyahia laissait croire qu’elle était préméditée et expédiée en réponse aux attaques contre l’homme d’affaires Tahkout.
La réaction du public avait mis le Gouvernement dans la gène, qui n’était pas moins accusé de laxisme vis-à-vis du problème. Ne voulant pas laisser le chef du RND (« Rassemblement National Démocratique », 2ème parti au Parlement, après le Front de Libération National) marquer seul des points, Le ministre des affaires étrangères avait réagit en faisant de ce problème son principal souci. L’affaire ne s’arrête pas là puisque un fidèle allié de Bouteflika, en l’occurrence le patron de la DGSN (la Police Nationale), lui portera la contradiction auprès d’Ouyahia en déclarant que les migrants n’ont pas le comportement reprochable qu’on veut leur attribuer et ne sont auteurs d’aucun acte répréhensible.
Le malaise au sommet de l’Etat ne fait plus de doutes pour les observateurs avertis
Dés lors, il est permis de dire qu’un bras de fer est engagé entre les clans qui gouvernent et ceux, engagés dans la prochaine échéance politique. Cela a souvent été le cas en Algérie, lorsque les gouvernants se chamaillent en haut lieu, et convoquent l’opinion publique pour témoin. Chaque clan tente d’occuper le terrain médiatique pour avancer ses idées et imposer le candidat de son choix. Mais dans la pratique, on n’a jamais vu de véritables confrontations où un clan met un autre hors d’état de nuire car tout finit toujours par un partage du gâteau sur “le dos du peuple” !
Pour cet épisode, les deux clans s’opposent en mettant en avant deux stratégies différentes.
Les ambitions présidentielles de Ouyahia sont plus que jamais à l’ordre du jour et le personnage jouit du soutien des hommes d’affaires et d’un certain nombre d’organisations à la fois patronales et syndicales. La stratégie du clan Ouyahia est de mener combat pour la promotion des investissements et de l’emploi tout en accusant le Gouvernement de mettre des freins aux actions des investisseurs.
Le Gouvernement de Tebboune représente le clan présidentiel et prend à son compte la stratégie de lutte contre l’intrusion de l’argent sale dans la politique. Les oligarques représentent un appui incontestable pour le candidat de leur choix et dépensent sans compter pour influencer l’opinion. On le voit à travers les actions de Rebrab, première fortune du pays, qui a réussi à mobiliser ses travailleurs pour plaider sa cause, et pour agrandir son empire industriel, représenté par le Groupe Cévital. Pour le moment, les pouvoirs publics le tiennent en respect tout en multipliant les attaques contre d’autres hommes d’affaires accusés de profiter de l’argent public sans rendre les services que l’on attendait d’eux ! Plus encore, ils sont accusés de saper les efforts du gouvernement pour soutenir la croissance en cette période difficile, en raison de la baisse des prix du pétrole. L’opinion publique penche naturellement du côté de ce qui semble s’apparenter à une opération “mains propres” mais celle-ci n’ira pas jusqu’à sérieusement mettre en péril les intérêts des oligarques, comme c’est actuellement le cas en Tunisie. Le public ignore tout de la finalité de cette agitation plutôt inhabituelle.
Le clan du Président ne laisse aucune opportunité à ses adversaires que ces derniers peuvent exploiter. Ainsi, sur le terrain très sensible de la contestation en Kabylie, le Gouvernement qui freine la montée en puissance du richissime Rebrab, n’a pas hésité un seul instant à couper l’herbe sous les pieds de ceux qui s’apprêtaient à exploiter la détresse des sinistrés du grave incendie qui a ravagé la région, ces derniers jours.
C’est Bouteflika, lui-même qui a annoncé l’indemnisation des sinistres survenus. Des points marqués contre ses adversaires en ramenant le calme dans la région. Le président semble dire à ses opposants qu’il est prêt à casser la tirelire pour contenir toutes les tensions sociales qui se manifesteraient. Pour cela, il dispose d’un bon pactole ! Pas moins de 100 milliards de dollars qui lui permettront de naviguer, sans crainte, entre tous les écueils, jusqu’à avril 2019.
Qui gouvernera l’Algérie de 2019 ?
On sait que ces deux clans se ménageront, comme de coutume, une sortie de crise aboutissant à une redistribution des cartes sans trop de casses. Le sérail politique algérien est ainsi fait depuis le pouvoir de Chadli Bendjedid.
Qui gouvernera l’Algérie à partir de 2019 ? Bouteflika ira-t-il pour un cinquième mandat ou cédera-t-il sa place à son frère Saïd ? Ouyahia, a-t-il des chances? L’Armée qui a elle aussi des cartes à jouer sera déterminante. Pour l’heure, le chef de l’Etat-Major Général des armées est un fidèle compagnon de Bouteflika. Le terrorisme résiduel et les tensions frontalières avec pratiquement tous les pays voisins laissent penser que la Grande Muette (C’est à dire l’armée) préfère et de loin, une transition en douceur.
Aux dernières nouvelles, la brouille entre le Premier ministre et le patronat a pris fin. Est-ce la confirmation que la pression du clan de Bouteflika a finit par payer ? Le patron des patrons, Ali Haddad et Sidi Saïd, le patron de la Centrale syndicale ont été vus, tous sourires aux côtés de Saïd Bouteflika, le frère cadet du Président et prétendant à sa succession, à l’enterrement de l’ancien Premier Ministre, Rédha Malek. Un ralliement très important en vue de la prochaine élection présidentielle !
Nalyd Neskar
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