Tunisie : Que pensent les grands experts de l’économie tunisienne ?
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Denys Bédarride
vendredi 30 août 2019 Dernière mise à jour le Vendredi 30 Août 2019 à 08:30

Une conférence a été organisée le 22 août 2018 à Tunis par le club finance ATUGE (association des tunisiens des grandes écoles) sur le thème « Dosage des politiques monétaire & budgétaire pour la stabilité financière ». Quelles sont les solutions que ces grands experts préconisent ? Analyse :

 

L’association des tunisiens des grandes écoles (ATUGE) a organisé une conférence-débat sur le « policy mix » en Tunisie le 22 août 2019 à l’hôtel Paris de Tunis. Les intervenants étaient M. Hakim Ben HAMMOUDA, ancien Ministre de l’Economie et des Finances (29 janvier 2014 – 6 février 2015), M. Marouane EL ABASSI, Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT). M. Sofiene HAJ TAIEB, Fondateur et Président Directeur Général de la Française Investment Solutions (LFIS) et Nabil KHEMIRI, Managing Director, Markets Head for North & West Africa, Citigroup.

Hakim Ben HAMMOUDA s’est dit inquiet quant aux difficultés que connaît le secteur industriel en Tunisie. Selon lui, le fait que l’agriculture soit actuellement le fer de lance de l’économie nationale interroge sur le modèle de développement actuel de la Tunisie. Il propose la suppression du régime forfaitaire à horizon 2021, la révision de la loi bancaire (en relevant le montant minimum du capital requis pour créer une banque), l’amélioration du recouvrement fiscal, pour faire de la Tunisie « le Singapour de la Méditerranée » : la Tunisie serait l’économie émergente faisant le pont entre l’Afrique, l’Europe et la Méditerranée. Cela nécessite selon lui « du courage, de l’audace et un certain volontarisme ».

Marouane EL ABASSI a exposé la politique monétaire menée par la BCT depuis sa prise de fonctions le 18 février 2018 : 3 hausses successives du taux directeur, circulaire limitant le ratio crédit/dépôt, nouvelle répartition des collatéraux de refinancement (en exigeant une quotité fixe de 40% sous forme de titres publics négociables et de 60% de créances sur le secteur privé, contre 60%/40% précédemment).

En outre, la BCT « n’intervient plus sur le marché des changes ». Grâce à ce durcissement de la politique monétaire, la BCT respecte désormais les critères quantitatifs exigés par le FMI dans le cadre du programme pour la Tunisie et ce sera de nouveau le cas en septembre 2019 selon Marouane EL ABASSI. En outre, le gouverneur de la BCT considère que la priorité de la BCT doit rester la lutte contre l’inflation, et celle-ci devrait encore baisser en août.

Par ailleurs, il convient selon lui de booster l’activité économique en relançant l’investissement et en améliorant l’environnement des affaires, sans pour autant avoir une « politique monétaire complaisante ». Le gouvernement doit veiller à ne pas perdre le tissu industriel.

Sofiene HAJ TAIEB est favorable à ce que les autorités tunisiennes identifient 3 secteurs pour lesquels la Tunisie dispose d’avantages comparatifs (ou du moins ne présente pas « de désavantages comparatifs »), et y concentrent leurs efforts. Il a cité les énergies alternatives, le digital et l’agriculture biologique.

Nabil KHEMIRI suggère l’emploi du hedging par le gouvernement tunisien, i.e. un mécanisme de couverture contre les variations des cours (et notamment les matières premières, compte tenu de leur volatilité). Cela permettrait de limiter le coût budgétaire des subventions énergétiques, dans le cas où le prix du baril de pétrole augmenterait plus que prévu.

Ainsi, avec une couverture même réduite, le coût budgétaire des subventions énergétiques pour l’année 2018 aurait été beaucoup plus faible selon lui, de l’ordre de 1,8 Md TND, et non de 2,7 Mds TND comme ce fut le cas en raison de la hausse du prix du baril de pétrole (à 72 USD en moyenne sur l’année, contre 54 USD prévu par le gouvernement dans le cadre de la Loi de Finances).

Nabil KHEMIRI est également favorable à un assouplissement de la réglementation en matière de change (compte de capital). Marouane EL ABASSI est allé dans son sens, en défendant l’idée d’une refonte du code des changes, jugé trop complexe. Enfin, s’agissant du secteur bancaire, Nabil KHEMIRI affirme qu’il y a trop de banques en Tunisie pour un marché aussi exigu et qu’il faut consolider le système bancaire.

Marouane EL ABASSI pense que le secteur bancaire va évoluer : les règles prudentielles sont de plus en plus strictes en Tunisie et peu à peu, des banques vont disparaître, tandis que d’autres restructureront. Enfin, le gouverneur de la BCT prédit que la digitalisation va révolutionner la finance (technologie blockchain, etc.) et il faut anticiper cela en Tunisie dès à présent.

 

Source : Service Économique Régional Tunisie-Libye // Economic Service Tunisia-Libya : Ambassade de France en Tunisie // French Embassy in Tunisia

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