Coronavirus : « Dans les pays du sud de la Méditerranée, le choc va être très violent » par Myriam Ben Saad
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Rédaction Ecomnews Med
mercredi 25 mars 2020 Dernière mise à jour le Mercredi 25 Mars 2020 à 08:24

Avis d'expert : Ecomnews Med a pu interviewer à Marseille Myriam Ben Saad, Économiste, Chercheur et membre du Femise sur les conséquences du coronavirus et la crise sanitaire sur les pays de la Méditerranée. Elle est pessimiste.

Quelle analyse portez-vous sur la gestion de cette crise dans les pays méditerranéens ? Les pays de la rive sud n’ont pas le même niveau de protection sociale de ceux de la rive nord. Faut-il craindre le pire ? 

Oui, le choc va être très violent car le système de santé des pays du sud de la méditerranée n’est pas comparable à celui de l’Europe. Prenez déjà le cas de la France, de l’Espagne et de l’Italie dépassés malgré des systèmes de santé élaborés.

A l’heure où je vous parle (20 mars, ndlr), Israël enregistre 677 cas de Covid-19.  C’est le pays du sud le plus affecté devant la Turquie avec 360 cas déclarés, l’Égypte et la Tunisie. Le Maroc a pris une décision de confinement total, la Tunisie après avoir imposer un couvre-feu de 18 h à 6h prend une décision de confinement total.

Quant à l’Algérie, le pays interdit simplement les rassemblements de contestation or avec déjà 90 cas et 10 décès le pire reste à craindre dans les semaines à venir.  

 

Quelles sont pour vous les conséquences à venir de cette pandémie en Méditerranée ?

 

Le ralentissement économique en Europe va affecter durablement les pays du sud de la Méditerranée en particulier au Liban déjà très fragilisé. Le choc va être très violent avec un impact sur l’économie réelle.

Avec un baril à 26 dollars, l’Algérie —très dépendante du pétrole et du gaz— sera particulièrement touchée par cette crise. 

De nombreux pays du bassin méditerranéen vont souffrir avec l’arrêt brutal du tourisme.  Les liaisons maritimes et aériennes ont cessé et il faut s’attendre à une paralysie de l’industrie dans les pays du sud qui comptent d’importants sous-traitants de l’industrie européenne.

Cette crise devrait faire prendre conscience aux pays du sud de la Méditerranée de la nécessité d’instaurer des accords intra régionaux de libre-échange.  

 

Pensez-vous que nous allons vers un changement radical de paradigme ? 

 

Cette crise sanitaire nous permet de revenir aux fondamentaux c’est à dire un système de santé public et de transport performant, une recherche scientifique de pointe, un approvisionnement en énergie régulier et surtout une solidarité entre toutes les composantes de notre société. 

Je ne crois pas à la fin de la mondialisation même si des relocalisations sont envisagées dans les industries textiles et pharmaceutiques. On peut légitimement penser que le France va commercer davantage avec la Tunisie et le Maroc où la main d’œuvre est moins chère qu’en Chine.

Cette crise aura à long terme un effet positif sur les économies des pays du sud de la Méditerranée. L’épidémie a également un impact sur l’environnement avec une atténuation de la pollution. La Chine s’est remise à respirer depuis l’arrêt des activités industrielles et des déplacements. 

 

Sommes-nous aujourd’hui dans un scénario catastrophe : crise sanitaire, économique et financière ?  

 

Depuis trois semaines, l’économie mondiale traverse un choc économique se traduisant par la panique des marchés financiers. L’Organisation internationale du travail vient d’annoncer le risque de suppression de 5,3 à 24,7 millions d’emplois dans le monde à cause de la crise économique provoquée par la pandémie.

Autre conséquence : la réduction des horaires de travail.

Cette catastrophe aurait pu être évitée puisque nous avions connaissance de l’épidémie qui sévissait en Chine. Nous aurions dû être réactif et prendre cela très au sérieux comme l’a fait la Corée en fermant ses frontières.

Cette gestion de crise en Europe est un échec, c’est un drame, une guerre.

En France, nous avons déjà 10 995 cas déclarés et 372 décès.  La performance dans la gestion de cette crise sanitaire déterminera l’intensité de la crise économique et financière. Nous attendons le pic épidémique en Europe avant de dresser un état des lieux mais, d’ores et déjà, les conséquences se chiffrent en milliards de dollars en France et dans les pays du sud de la Méditerranée. 

coronavirus

Plus personne ne parle aujourd’hui des conflits en Syrie, de la crise des réfugiés. L’épidémie de pneumonie virale pourrait avoir des conséquences terribles ? 

 

Il aurait fallu là encore couper les frontières car les pays du sud de la Méditerranée sont très vulnérables et les conséquences risquent d’être dramatiques également dans les pays d’Afrique sub Saharienne et d’Afrique de l’Ouest. 

Le FMI a débloqué 50 milliards de dollars d’aide humanitaire pour soutenir les pays africains mais ce ne sera pas suffisant. 

Dans quelle mesure les banques sont-elles en capacité de soutenir les entreprises ? 

Les banques sont en première ligne pour accompagner les entreprises fragilisées. Il faut oxygéner le circuit financier par des mesures d’accompagnement comme les remboursements de crédit.

Bpifrance va garantir entre 70 et 90% des crédits aux entreprises. 

 

Propos recueillis par Nathalie BUREAU DU COLOMBIER en direct de Marseille 

Photo : Myriam Ben Saad, Docteur en Économie, Chercheur associé à l’Université Panthéon-Sorbonne, Economiste membre du réseau Forum euro-méditerranéen des Instituts de Sciences économiques.  ©DR

 

 

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