Libye : La situation va-t-elle s’améliorer ? Quelles sont les dernières informations à retenir ?
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Denys Bédarride
lundi 10 juillet 2023 Dernière mise à jour le Lundi 10 Juillet 2023 à 14:29

Le FMI a adopté et publié le 9 juin dernier un rapport « Article IV », la première évaluation par le FMI de la situation macroéconomique de la Libye depuis 10 ans. Si le niveau de transparence, d’exhaustivité et d’objectivité des données économiques reste faible en Libye, le FMI a considéré les progrès suffisants pour s’essayer à une actualisation de l’appréciation de la situation macroéconomique et à l’élaboration de recommandations.

Les ressources en hydrocarbures, abondantes mais volatiles, assurent 95% des revenus et des exportations du pays. 

Illustrant l’extrême volatilité de l’économie libyenne tributaire des revenus pétroliers et de la situation sécuritaire, le FMI prévoit une croissance de 18,8% cette année, après -11,4% en 2022, +28,3% en 2021 et -29,5% en 2020, au gré de l’évolution des cours internationaux et des perturbations de la production domestique.

En dépit de la forte hausse des dépenses publiques, l’explosion des cours du pétrole et la dépréciation du dinar auraient permis de dégager d’importants excédents budgétaires (4,4 Md $ en 2021 et 6,4 Md $ en 2022) et une accumulation de réserves en devises estiméesà82Md$en2022soit200%duPIBet4 années d’importations. Cette accumulation de réserve révèle cependant également l’incapacité de la Libye à investir et se développer, comme en témoigne la faiblesse des dépenses en capital, notamment dans les infrastructures pétrolières et gazières, en l’absence de vote de loi de finances.

Le FMI plaide pour une véritable politique économique et budgétaire de long terme en faveur de la diversification économique du pays, alors que les revenus d’exportations du pétrole représentent 97% des recettes de l’Etat, évaluées à 28 Md USD en 2022 et que 90% des employés du pays (1/3 de la population totale, 2,2 M de personnes) dépendent du secteur public.

Les autorités du FMI évoquent l’urgence de convenir d’un budget avec une obligation de planification annuelle et d’établissement d’objectifs de politique budgétaire et de priorité de dépenses. Le processus budgétaire actuel de court terme ne permet que la redistribution de la rente pétrolière en salaires et subventions, dont le caractère procyclique « menace la stabilité macroéconomique et l’équité intergénérationnelle ». 

Alors que le prix à la pompe de l’essence est maintenu à 0,03$/litre (inchangé depuis 1978), le FMI plaide en particulier pour une réduction des subventions au carburant, qui profitent de manière disproportionnée aux ménages les plus aisés, et leur remplacement par des allocations directes ciblées, d’autant que le coût de ces subventions serait largement sous-évalué (recettes d’exportations de bruts non comptabilisées car servant directement à l’importation de produits raffinés revendus à prix subventionnés locaux). Selon le FMI, le montant effectif des subventions avait atteint 8,5 Md$ en 2022 bien au-delà des 1 Md $ officiellement comptabilisés. 

Les services du FMI recommandent également un contrôle plus strict des quelques 2 000 entreprises publiques, ainsi qu’une réforme globale de l’administration fiscale et un contrôle plus strict des opérations douanières afin de mobiliser davantage de recettes non pétrolières.

Malgré la reconnaissance de mesures stabilisatrices, des progrès dans la gestion du système financier sont primordiaux, en premier lieu la réunification de la banque centrale et son désengagement du secteur bancaire. Le FMI reconnait le rôle de la dévaluation en 2021 et de certaines mesures de contrôle des capitaux pour préserver les réserves de change et endiguer le marché parallèle du change. 

L’inflation serait également relativement maitrisée (passée de 1,5% en 2020 à 4,5% en 2022), nonobstant les réserves qu’on peut émettre sur la fiabilité de l’indice des prix en Libye. Pour autant, la politique discrétionnaire d’octroi de lettres de crédit, l’absence de progrès dans la réunification de la BCL et les conflits d’intérêt émanent de la confusion des rôles de la BCL entre acteur et régulateur du secteur bancaire accroissent les tensions de liquidités notamment à l’est, les fuites de devises hors du secteur bancaire officiel, ainsi que les défaillances du dispositif de contrôle prudentiel et de lutte contre le blanchiment. 

La réunification de la BCL et son désengagement des banques commerciales qu’elle détient (70% des actifs bancaires et 80% des crédits accordés), en renforçant la confiance dans le secteur bancaire et en augmentant les dépôts des banques, constituerait une étape primordiale vers la stabilité financière et la promotion du développement du secteur privé.

La Banque mondiale a publié dans le même temps un rapport économique sur la Libye aux conclusions similaires. Si les ordres de grandeurs économiques diffèrent parfois sensiblement de ceux du FMI, témoignant de la difficulté du recueil d’information économique, les conclusions et recommandations restent similaires. 

La banque mondiale évalue notamment les conséquences économiques et sociales de l’instabilité chronique du pays : le PIB par tête aurait diminué de moitié entre 2011 et 2020 ; 43% des ménages n’auraient pas un accès suffisant à la santé, 22% n’aurait pas un accès satisfaisant à l’eau courante et ils connaitraient en moyenne 6,3 heures de coupure d’électricité par jour, alors que le système de protection sociale s’est fortement détérioré depuis 2011. 

Outre la nécessité d’un accord politique et l’élaboration d’un nouveau contrat social au niveau national, la BM recommande une plus grande décentralisation dans la gestion des finances publiques et de la rente pétrolière et la mise en place d’une politique sociale globale permettant à tout le moins une distinction entre transferts sociaux et salaires de la fonction publique. 

Source Ambassade de France en Tunisie

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