Les conséquences économiques pour le Liban du conflit à Gaza et en Israël demeurent incertaines. Dans un scénario d’élargissement du conflit au Liban, les implications économiques sont difficiles à prédire car elles dépendent du niveau d’engagement des parties. Scénarios et analyse.
Il est utile d’analyser le précédent de la guerre de 2006, bien que le contexte ex ante du pays soit très différent ; le Liban est aujourd’hui dans une situation économique très fragilisée, avec des infrastructures déjà très dégradées. Les pertes directes lors de la guerre de 2006 ont été estimées à 3,6 Md$, dont 1 Md$ pour le secteur touristique (la guerre s’étant déroulée pendant l’été). Le niveau de destruction d’infrastructures a été quant à lui très élevé, avec un impact négatif sur la croissance potentielle.
Presque toutes les infrastructures stratégiques ont été touchées : routes, ponts, ports, aéroport, réseaux de téléphonie, réseaux de distribution d’électricité, réseaux de distribution d’eau et d’irrigation, usines et manufactures.
Même dans un scénario de statu quo, la conjoncture pourrait connaitre une dégradation.
L’économie libanaise est fortement dépendante de l’extérieur pour ses approvisionnements courants. Les importations devraient s’élever à 15 Md$ pour 2023, sur un PIB inférieur à 20 Md$. Le conflit pourrait ralentir ou désorganiser les flux commerciaux, qui transitent majoritairement par le port de Beyrouth, et conduire à des pénuries de biens alimentaires et/ou de carburants.
La situation monétaire et financière est à ce stade relativement stable.
La livre ne s’est que marginalement dépréciée sur le marché parallèle. Le taux de change demeure toutefois fragile et pourrait se détériorer en cas de choc de confiance négatif, occasionnant une demande accrue de dollars. Les transferts internationaux, principale matérialisation de la solidarité de la diaspora à l’égard du Liban, devraient se maintenir. Ils représentent environ 7 Md$ / an, soit plus de 30% du PIB.
En revanche, la perception internationale du risque pourrait se traduire par une réduction des flux touristiques au Liban, qui s’observent en général à Noël et en été.
Or, il s’agit de l’un des principaux postes d’entrée de devises du pays (5 Md$ en 2022, soit presque 25% du PIB). Les autres déterminants de la balance des paiements ne devraient pas être affectés outre-mesure. La perception du risque-pays pour le Liban est déjà très dégradée, le pays est en défaut de paiement et la crise systémique que vit le pays a découragé les financements externes et les investissements privés.
Ces mêmes risques sont perceptibles dans les autres pays du Proche-Orient, en particulier dans les économies dépendantes du tourisme.
Les fragilités économiques et sociales de la Jordanie interrogent sur sa capacité à absorber un nouveau choc exogène. L’économie est fortement dépendante des flux financiers externes (aide internationale, tourisme, transferts de la diaspora, investissements étrangers) et des importations (95% des produits de base). Or le conflit pourrait entraîner un renchérissement du coût de la vie, une baisse du tourisme et une dégradation du risque-pays.
En Égypte, une baisse du tourisme – source majeure de devises – pourrait également se matérialiser. La situation en Israël est particulière, puisqu’une économie de guerre se met en place, ce qui implique : un ralentissement économique lié à la diminution de la population active (environ 500 000 personnes, du fait de la conscription et du blocage des travailleurs palestiniens) ; un déficit accru suite à l’adoption d’un budget de guerre ; une hausse du risque-pays ; une restructuration des flux logistiques, en particulier s’agissant des importations d’hydrocarbures (via le port d’Eilat et non plus via le port d’Ashkelon, situé à 6 km de Gaza et désormais fermé).
En Iran, les conséquences du conflit ne semblent pas de nature à affecter sensiblement le modèle économique du pays (hormis dans l’hypothèse d’une extension régionale du conflit), compte tenu de la déconnexion de l’économie iranienne des circuits financiers classiques et de la réorientation massive de ses échanges vers l’Asie.
Source Ambassade de France au Liban
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