Le marché nord-africain importe chaque année plus de 30 millions de tonnes de blé soit environ les deux tiers de sa consommation. L’Egypte, l’Algérie et le Maroc en sont les principaux moteurs.
La Russie poursuit sa conquête du marché du blé en Afrique du Nord. Après avoir imposé sa domination en Egypte, damé le pion à la France en Algérie, l’ex-URSS a aussi des ambitions au Maroc.
Sur cette destination qui représente le 3e plus important marché de la région, la forte sécheresse a réduit la récolte de près de 42 % à 3,3 millions de tonnes en 2023/2024 selon la FAO, soit environ le tiers de la consommation totale et l’un des plus faibles niveaux depuis 15 ans.
Dans le même temps, la France qui lui fournit d’ordinaire 50 % de ses importations a enregistré une récolte catastrophique avec 26,3 millions de tonnes, soit un recul de 25 % par rapport à 2023 et le plus bas niveau depuis 1983. Les exportateurs russes n’en demandaient pas tant pour s’engouffrer dans la brèche…
Une influence sans précédent
Dans le pays méditerranéen où la consommation de blé par tête atteint les 288 kg par an, selon le Département américain de l’agriculture (USDA), et où cette céréale est omniprésente dans les régimes alimentaires, tant urbains que ruraux, la diversification de leurs sources d’approvisionnement s’est imposée.
Si les acteurs privés ont ciblé plusieurs origines au niveau de la mer Noire et d’autres pays européens, les opérateurs russes ont répondu présents et ont coiffé au poteau plusieurs concurrents comme la Roumanie, l’Ukraine, la Bulgarie ou encore la Pologne.
Résultat, leur présence n’a jamais aussi forte dans l’approvisionnement global du Royaume chérifien. Avec une céréale qui est la moins chère du marché avec un bon taux de protéines, les envois russes ont fortement progressé sur les premiers mois de la campagne 2024/2025.
Selon les données de plusieurs négociants consultés par la firme de conseil S&P Global Platts, le pays a exporté 700 000 tonnes de blé vers le Royaume chérifien entre juillet et novembre derniers, soit plus que le double des envois effectués par les fournisseurs français (300 000 tonnes).
Un an plus tôt à la même période, ces derniers y avaient expédié 1,2 million de tonnes de blé. En août dernier, la Russie est même devenue le principal fournisseur du Maroc détrônant pour la première fois la France.
Vers une domination du marché ?
Si sur le premier semestre de la campagne 2024/2025, la Russie a supplanté la France, la concurrence reste rude d’ici la fin de ladite saison en juin prochain. Avec le déficit de production du pays, l’USDA estime que le Maroc devrait importer 7,5 millions de tonnes de blé. Un niveau record dont les fournisseurs comptent profiter au regard de leurs possibilités.
Selon les dernières estimations d’Intercéréales France, les expéditions de blé tendre à destination du Maroc devraient s’établir à 1,5 million de tonnes en 2024/2025, soit 53,5 % de moins que le volume de 2,8 millions de tonnes enregistré au cours la campagne de commercialisation précédente.
De son côté, la Russie a pour objectif d’expédier 1 million de tonnes de blé à destination du Maroc au cours de la campagne de commercialisation de 2024/2025, ce qui représente près du double des exportations de blé vers le pays un an plus tôt (503 000 tonnes).
Pour les deux pays, les prochains mois seront donc décisifs. Alors que Moscou aura pour tâche de continuer à bousculer le marché, Paris devrait s’atteler à maintenir ses positions sur un marché sur lequel plus rien n’est acquis. D’après plusieurs analystes, la campagne 2024/2025 pourrait ainsi redéfinir le paysage céréalier marocain.
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