Après le séisme meurtrier d’Al Haouz et dans le cadre du vaste plan de reconstruction qui a suivi, le Maroc de Mohammed VI passe à l’action en lançant la première plateforme régionale de réserves d’urgence à Rabat-Salé-Kénitra.
Ce programme, estimé à 7 milliards de dirhams (700 millions d’euros), prévoit l’implantation de 12 bases logistiques sur l’ensemble du territoire national. Objectif affiché : assurer une réponse rapide et efficace face aux catastrophes naturelles, industrielles ou technologiques. Avec cette initiative, le royaume chérifien entend franchir un cap dans sa capacité d’anticipation et de gestion de crise, en dotant chaque région de stocks stratégiques de tentes, couvertures, lits, médicaments, denrées alimentaires et équipements de secours.
Cette montée en puissance logistique s’inscrit dans le cadre du programme de reconstruction et de mise à niveau générale des régions sinistrées par le séisme d’Al Haouz, survenu le 8 septembre 2023, qui a causé près de 3000 morts, plus de 5500 blessés et l’effondrement d’environ 60 000 habitations. De quoi conduire les autorités marocaines à renforcer leurs capacités d’intervention régionales.
À Salé, un site pilote trace la voie
Le site de la commune d’Ameur, situé dans la préfecture de Salé, est le premier à entrer en chantier. Implantée sur un terrain de 20 hectares, la plateforme régionale de Rabat-Salé-Kénitra mobilisera un budget de 287,5 millions de dirhams.
Dans les détails, elle comprendra quatre entrepôts de 5000 m² chacun, deux abris pour matériel hors gabarit (2500 m²), un héliport, ainsi que des aires de stationnement pour véhicules d’intervention. Les travaux seront réalisés en douze mois. Ce premier maillon servira de modèle pour les onze autres plateformes régionales prévues. Dès lors, chaque région du pays sera en mesure « de faire face de façon immédiate aux catastrophes (inondations, séismes, crues, risques chimiques, industriels ou radiologiques) », lit-on dans le communiqué relayé par l’agence de presse marocaine (MAP).
Ce programme d’envergure repose sur un maillage national différencié, fondé sur la densité démographique et le niveau de risque propre à chaque région. Il prévoit l’implantation de 12 plateformes régionales couvrant l’ensemble du territoire marocain, totalisant 36 entrepôts logistiques et mobilisant environ 240 hectares de foncier. Ainsi, les régions les plus peuplées — Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra, Marrakech-Safi, Fès-Meknès, Tanger-Tétouan-Al Hoceima et Souss-Massa — seront dotées chacune de quatre entrepôts d’une superficie globale de 20 000 m², tandis que les six autres régions — Oriental, Béni Mellal-Khénifra, Drâa-Tafilalet, Guelmim-Oued Noun, Laâyoune-Sakia El Hamra et Dakhla-Oued Ed Dahab — disposeront de deux entrepôts totalisant 10 000 m².
Ce maillage territorial vise à garantir une couverture équitable et adaptée, en assurant un déploiement rapide des secours en fonction des caractéristiques et des vulnérabilités de chaque région.
Tentes, hôpitaux, générateurs : le Maroc se prépare aux pires scénarios
Dans les faits, chaque plateforme régionale sera équipée de stocks stratégiques prépositionnés, conçus pour être immédiatement mobilisables en cas de catastrophe, quelle qu’en soit la nature.
Ces réserves comprendront d’abord des moyens d’hébergement d’urgence, avec 200 000 tentes polyvalentes accompagnées de lits de camp, matelas et couvertures, permettant une mise à l’abri rapide des populations sinistrées.
Pour répondre aux besoins alimentaires sur le terrain, des boulangeries et cuisines mobiles seront déployées, complétées par des kits alimentaires destinés aux familles touchées. L’accès à l’eau potable et à l’électricité sera assuré par des unités de potabilisation de l’eau et des générateurs électriques remorquables, garantissant l’autonomie des secours dans des zones potentiellement isolées.
Le dispositif prévoit également des matériels spécialisés d’intervention, adaptés à différents types de crises, qu’il s’agisse d’inondations, de séismes, de glissements de terrain ou encore de risques chimiques, industriels ou radiologiques.
Sur le plan sanitaire, le programme prévoit le déploiement progressif de 12 hôpitaux de campagne dotés de modules opératoires et de prestations médicales variées, ainsi que l’installation de postes médicaux avancés pour assurer le tri et les premiers soins sur les lieux sinistrés. L’ensemble de ces équipements sera encadré par des équipes spécialisées, veillant à la gestion des stocks, notamment des réserves de médicaments, dans le respect des normes en matière de conservation et de sécurité.
Vers un modèle africain de résilience
Au-delà du renforcement des capacités d’intervention en cas de crise, ce programme s’inscrit dans une ambition plus large de souveraineté logistique et industrielle. Il vise à structurer un écosystème national de production d’équipements d’urgence, afin de réduire la dépendance aux importations et d’assurer une maîtrise locale des chaînes d’approvisionnement critiques.
En parallèle, le Maroc entend constituer des réserves stratégiques capables de répondre à trois fois les besoins constatés lors du séisme d’Al Haouz, érigé en référence pour calibrer la réponse nationale face aux catastrophes futures. Porté par une approche territorialisée et anticipative, le programme s’inscrit pleinement dans la transformation des infrastructures critiques du Royaume, en réponse aux défis posés par le changement climatique, la croissance urbaine, et les nouvelles vulnérabilités technologiques.
À travers cette initiative, le Maroc affirme donc son ambition de devenir « un modèle africain en matière de résilience », en combinant « efficacité opérationnelle, vision stratégique et souveraineté industrielle ».
Réagissez à cet article