La pandémie de Covid-19 a non seulement profondément affecté les économies des pays, mais également intensifié l'urgence d'une transition vers l'énergie durable. Une transition qui aura un impact profond sur les pays du sud de la Méditerranée, en particulier les producteurs d'hydrocarbures, selon le document d'orientation politique publié par le FEMISE et le CMI (Centre pour l'intégration méditerranéenne à Marseille).
Les implications de la pandémie de Covid-19 dans les pays du sud de la Méditerranée renforcent le besoin d’établir des politiques et des programmes justes et bien informées pour progresser dans la transition énergétique.
Si des politiques de transition appropriées ne sont pas mises en place, les économies basées sur le pétrole courent le risque de se retrouver avec des compétences dépassées et / ou peu qualifiées pour leur capital humain, une faible diversité sur les marchés du travail, de mauvaises perspectives d’emploi et un besoin croissant de soutien public. Le FEMISE-CMI a publié son 17e document d’orientation politique, ou “Policy Brief” (disponible ici), rédigé par Stella Tsani, Université de Ioannina, Grèce. Ce dernier montre que de nombreux pays du sud de la Méditerranée sont confrontés à des défis majeurs pour atteindre les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies.
Des pays du monde entier se sont mis d’accord en 2015 sur 17 objectifs de développement durable (ODD) pour guider les décisions nationales, régionales et mondiales jusqu’en 2030. En outre, l’accord de Paris a permis des contributions déterminées au niveau national, adoptées par 196 parties à la COP21 en 2015. L’objectif est de limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C.
Position actuelle du Sud de la Méditerranée sur la perspective de durabilité et de transition énergétique
Le document d’orientation montre que les pays du sud de la Méditerranée obtiennent un indice ODD total supérieur à 65.
Les pays producteurs de pétrole du sud de la Méditerranée (hors Israël), du Moyen-Orient, de l’Afrique subsaharienne et d’Asie centrale se situent dans la partie inférieure de l’indice de transition énergétique (ETI) 2020, enregistrant de faibles performances du système et une préparation à la transition.
Les pays subsahariens sont particulièrement confrontés à des défis majeurs. La difficulté réside dans la nécessité de décarboner tout en diversifiant les économies des pays, afin de ne pas compter uniquement sur le pétrole pour générer des revenus et des emplois.
Dans la région MENA, seul un certain nombre de pays du Golfe (par exemple le Qatar, les Émirats arabes unis, etc.) ont atteint l’objectif ODD en matière de chômage en 2019. Pour les pays du sud de la Méditerranée tels que l’Égypte, la Tunisie et la Jordanie, cet objectif représente toujours un défi majeur, avec un chômage atteignant jusqu’à 22,3% en moyenne entre 2010 et 2019.
La nécessité de politiques de contenu local pour faciliter la transition énergétique
Selon le document du Femise, la transition énergétique devrait réduire la demande de main-d’œuvre dans les secteurs à forte intensité énergétique et dans les industries extractives (charbon, pétrole, gaz). Les investissements dans les énergies renouvelables devraient stimuler un effet positif direct sur l’emploi et un effet positif indirect sur les secteurs fournissant des intrants à ces investissements.
Jusqu’à présent pertinentes pour les producteurs d’hydrocarbures, l’analyse scientifique montre que les politiques de contenu local peuvent également être pertinentes pour les projets d’énergie renouvelable. Les politiques de contenu local visent l’utilisation et le développement de la base de capital industriel et humain local à travers la création d’interactions économiques entre le secteur de l’énergie et le reste des secteurs productifs de l’économie. Si aucune mesure appropriée n’est prise, les fournisseurs locaux et la main-d’œuvre peuvent ne pas bénéficier des investissements réalisés et des activités qui en résultent.
Recommendations pour une transition énergétique adéquate
Certains effets de la pandémie de Covid-19 pourraient persister au cours des prochaines années. Le document d’orientation politique souligne que si des pays confrontés à des défis et à une structure socio-économique similaires coopèrent, la conception et la mise en œuvre de la transition en bénéficieront. Cela inclut la collaboration, les partenariats axés sur des solutions et la mise en œuvre de programmes de coopération entre pays, régions et secteurs. La pandémie de Covid-19 a mis en lumière l’existence d’importantes inégalités économiques, technologiques, de capital humain, et de genre. Le partage des connaissances sera donc bénéfique.
Les scénarios énergétiques mondiaux jusqu’en 2050 prévoient un pic de la demande de pétrole et de gaz au cours de la période 2020-2030. Après cette période de plafonnement de la demande, les hydrocarbures devraient représenter une part plus faible du mix énergétique mondial par rapport aux sources d’énergie renouvelables. Les producteurs de pétrole et de gaz (Egypte, Algérie et Libye) sont invités à orienter les politiques vers l’éducation et la coopération, en faveur des compétences et de la technologie au-delà des hydrocarbures.
Pour les localités de production d’énergie conventionnelle, les recommandations insistent sur la conception et la mise en œuvre de politiques industrielles, fiscales et de l’emploi bien informées. Ainsi élaborant des politiques pour transformer les projets énergétiques en moteurs de croissance industrielle et de création d’emplois.
La réalisation de grappes industrielles et technologiques à travers le triangle de la connaissance (recherche, éducation et innovation) faciliterait l’intégration et l’échange des meilleures pratiques pour les petites et moyennes entreprises. Ces grappes peuvent être réparties géographiquement et / ou par secteur, à l’intérieur ou à l’extérieur des frontières nationales.
D’autres recommandations incluent l’analyse détaillée des politiques de contenu local sur l’impact socio-économique, financier et technologique, en relation avec le secteur de l’énergie. L’identification et la mise en œuvre de politiques et de mesures éducatives visant à combler les lacunes de compétences, l’inégalité entre les sexes et les besoins de l’industrie en compétences transversales spécifiques peuvent également aider à surmonter la faiblesse systémique du capital humain.
Enfin, l’étude mentionne la mobilisation et l’utilisation des fonds publics en réponse d’assistance internationale à la Covid-19 en faveur de l’éducation, des compétences et de la mise à niveau technologique de la main-d’œuvre. Cela insiste également sur la coopération et la combinaison de soutiens financier, de formation et d’éducation. Ces derniers peuvent combler les lacunes des pays les plus vulnérables, dans les conditions actuelles, et aider la préparation aux incertitudes futures et aux besoins en compétences.
Source : FEMISE
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