Depuis l’arrivée au pouvoir du maréchal al-Sissi, de nombreux élus ont appelé Washington à remettre les droits de l’homme au centre de ses rapports avec l’Egypte. Bien que la nouvelle décision semble vouloir trancher avec l’attitude de l’administration Trump, elle est jugée encore insuffisante.
Les Etats-Unis s’apprêtent à geler une aide militaire de 130 millions $ accordée à l’Egypte, a-t-on appris de sources médiatiques concordantes.
Selon une source proche du dossier, cette décision est liée à des questions humanitaires. En effet, Washington exigerait de son allié arabe, des garanties concernant le respect des droits humains avant de débloquer cette nouvelle aide militaire.
« Nous continuons à discuter de nos graves préoccupations concernant les droits de l’homme en Egypte », a indiqué un porte-parole du département d’Etat cité par Reuters, ajoutant que les fonds seront débloqués si « le gouvernement égyptien répond de manière affirmative à des conditions spécifiques liées aux droits de l’homme ».
Bien que cette annonce ne remette pas en cause les relations américano-égyptiennes assez fortes notamment dans le domaine sécuritaire, elle s’inscrit dans une logique de rupture avec l’attitude plus ou moins conciliante de la précédente administration américaine avec Le Caire. Pour rappel, l’ancien président américain Donald Trump avait vanté les mérites de ses relations avec le maréchal Abdel Fattah al-Sissi qu’il a publiquement désigné comme son « dictateur préféré » alors même que celui-ci fait face à des critiques virulentes concernant les droits de l’homme.
Cependant, à l’échelle des relations entre les deux pays, la décision du secrétaire d’Etat, Anthony Blinken, est perçue par de nombreux activistes comme une mesure a minima. En effet, le montant visé par la mesure de suspension ne représente que 10% du total de 1,3 milliard $ auquel se chiffre l’aide militaire que les USA accordent à l’Egypte chaque année. De plus, il représente à peine la moitié des 300 millions d’aide annuelle pour lesquels le congrès américain a demandé des restrictions de la part de la Maison blanche.
Un allié incontournable
Il faut souligner que pour les Etats-Unis, l’Egypte a toujours été un allié stratégique. Pays arabe le plus peuplé, sa position géostratégique en Afrique du Nord où il contrôle le très fréquenté canal de Suez ainsi que ses relations avec Israël et la Palestine en font un soutien de poids en Afrique et dans le monde arabe, pour des raisons sécuritaires et commerciales évidentes. Cette situation couplée au risque de voir Le Caire se tourner définitivement vers Moscou ou Pékin a souvent rendu difficile l’adoption de sanctions américaines contre le pays des pharaons, malgré les nombreuses accusations de violations de droits de l’homme envers le président al-Sissi.
En 2013, le président Obama avait d’ailleurs suspendu une partie de l’aide militaire américaine envers le pays demandant un « progrès crédible » vers la démocratie, avant d’annuler la mesure 2 ans plus tard, évoquant « l’intérêt de la sécurité nationale des Etats-Unis ». De plus, en février dernier, soit quelques semaines après son arrivée au pouvoir, Joe Biden avait dû valider la vente de 197 millions $ de missiles à l’Egypte, contrairement à sa promesse de mettre la question des droits de l’homme au cœur de ce genre de transactions avec le régime en place.
« C’est une erreur. L’Egypte compte 60 000 prisonniers politiques, et les opposants sont torturés », a réagi sur twitter le sénateur démocrate Chris Murphy à l’annonce de la nouvelle. Et d’ajouter : « le gouvernement aurait dû geler la totalité des 300 millions $. Cette mesure prise à moitié envoie un message flou concernant notre engagement pour le respect des droits humains et la démocratie ».
Notons que les USA ne sont pas le seul pays dont les relations avec l’Egypte sont controversées. Le président français Emmanuel Macron avait dû clarifier fin 2020 les relations commerciales entre son pays et l’Egypte, refusant de conditionner au respect des droits de l’homme, sa coopération avec le gouvernement al-Sissi en matière de défense, car « une telle politique affaiblirait Le Caire dans la lutte contre le terrorisme ».
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