Tunisie : Quels sont les cadrages et les grandes orientations du budget 2022 ? Pour quelle croissance prévue ?
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Denys Bédarride
vendredi 11 février 2022 Dernière mise à jour le Vendredi 11 Février 2022 à 12:00

Les premiers articles de la loi de finances posent les jalons d’un cadrage budgétaire sans explication sur les trajectoires de dépenses et recettes retenues, ni précision sur le scénario macroéconomique prévu. La ministre des Finances a cependant précisé lors de la conférence de presse que l’élaboration de la loi de finances s’était appuyée sur un scénario de croissance modérée de 2,6% et un prix du baril moyen assez élevé à 75 USD, des hypothèses qui à ce stade peuvent faire consensus.

La loi de finances publiée le 28/12/2021 fournit un premier cadrage budgétaire, dans l’attente de la publication de documents explicatifs complémentaires.

En dépit de la hausse anticipée de la collecte fiscale, la trajectoire budgétaire retenue fait apparaitre un besoin de financement brut de 6 Mds EUR identique à celui de 2021, dont les 2/3 financés à l’extérieur. Sur la base d’une croissance modérée, la loi de finances 2022 anticipe la poursuite d’une hausse des recettes fiscales à un rythme de 13,9% pour atteindre 35,1 Mds TND, dans la continuité du redressement anticipé pour 2021 (+13,5% à 30,8 Md TND selon la dernière loi de finances rectificative). 

En ajoutant des recettes non fiscales de 3,1 Mds TND et des dons de 500 MTND, équivalents au niveau de 2021, les ressources hors emprunt atteindraient 38,6 Md TND (+12,1%).

Malgré cette hausse anticipée des ressources propres, les besoins de financement bruts par emprunt resteraient très élevés à 20 Mds TND (6 Mds EUR), un niveau équivalent à 2021, dont 12,7 Mds TND (3,8 Mds EUR) d’emprunts extérieurs et 7,3 Mds TND d’emprunts domestiques. 

Le budget total atteindrait 57,3 Mds TND. Le remboursement de la dette (capital et intérêts) atteindrait 14,3 Mds EUR (14,8 Md TND en 2021). La ventilation des dépenses fait apparaitre une nouvelle forte hausse des dépenses d’intervention et subventions de 10,6% à 14,3 Mds TND et une poursuite de la hausse de la masse salariale de 6% à 21 Mds TND. Le déficit atteindrait 6,7% du PIB et la dette 82,6% fin 2022, contre 85,6% dans la loi de finances rectificative 2021.

La loi de finances contient une batterie de mesures sans beaucoup de précisions sur les orientations stratégiques retenues et l’impact économique et budgétaire escompté

La loi de finances comprend un nombre disparate de mesures de soutien à l’économie, au périmètre variable et dont la portée, en l’absence de données chiffrées, apparait limitée :

– La loi de finances 2022 contient un ensemble de mesures fiscales ciblées visant à alléger certains secteurs sensibles, favoriser la reprise économique ou la durabilité : allègement de prélèvements sur les activités des secteurs agricole, aérien, de la construction et de l’immobilier, sur l’épargne, sur les médicaments, sur les dépenses de R&D, sur l’importation de panneaux photovoltaïques et de véhicules électriques et hybrides.

– Des mesures de soutien en faveur des entreprises et travailleurs touchés par la crise du Covid sont également maintenues telles qu’une prime de 200 TND pendant 6 mois aux employés des établissements en cessation d’activité dans le tourisme, la poursuite d’une prise en charge des cotisations patronales, ou une exonération de pénalités de retards sur les marchés publics dans le BTP.

– Un fonds de 25 M TND permettra d’octroyer des prêts de 5000 dinars maximum à taux 0 aux petits entrepreneurs et artisans faisant face à des difficultés de trésorerie et un fonds de 30 M TND sera dédié aux entreprises de l’économie sociale et solidaire.

– La possibilité de réévaluation de biens fonciers à leur valeur réelle doit favoriser le renforcement des fonds propres et l’accès au crédit des entreprises. Les PME dans les secteurs agricoles et productifs pourront également bénéficier de bonifications de taux d’intérêt à hauteur de 3 points (différence entre le taux moyen et le taux appliqué par la banque) sur les crédits d’investissement.

– L’éligibilité au statut plus favorable d’entreprise exportatrice sera également assouplie, avec un abaissement du seuil du CA à l’export de 70% à 50%.

– La loi de finance prévoit également la création d’un fonds d’appui aux partenariats publics privés (PPP) qui sera financé par la Caisse des Dépôts et Consignations.

Ces mesures de soutien sont contrebalancées par la hausse de la fiscalité indirecte sur un ensemble de biens de consommation, sans précision sur leur impact en termes de rentrées fiscales comme sur l’activité économique. 

La loi de finances entérine notamment une hausse de droits de douanes à 43% ou 50% (au lieu de 20%, 30% ou 36%) pour une liste de produits considérés comme non essentiels et ayant leurs équivalents fabriqués en Tunisie, mesure susceptible de créer des tensions commerciales. La décision d’une nouvelle taxe de 0,1 TND par ticket de caisse en grande surface et d’une hausse de la taxe de circulation (vignette) suscite également des critiques au regard de leur rapport coût économique/bénéfices budgétaires peu évident. 

La fin de la suspension de la TVA pour les sociétés de commerce international et les sociétés de services totalement exportatrices, remplacée par un remboursement a posteriori fait l’objet de contestations de l’UTICA. 

La LF 2022 prévoit également un ensemble de mesures mêlant renforcement des mesures de contrôle et mesures d’amnistie afin de lutter contre l’évasion fiscale et l’économie informelle. 

La loi de finances contient un ensemble de batterie de mesures d’amnistie fiscale, douanière et déclarative, combinant annulation de pénalités et prélèvement libératoire à des taux préférentiel de 10% pour inciter à la déclaration de revenus et patrimoines. Elle prévoit également la mise en place de nouveaux modes de contrôle fiscal et renforce les incitations fiscales pour encourager les transactions en ligne et limiter le recours au cash (exonérations fiscales sur les commissions sur les transactions électroniques et passage de 1 à 5% de la taxe sur les paiements en espèce à la recette des finances de plus de 3000 TND, contre 5000 auparavant).

Enfin, si la loi de finances ne contient pas de mesures fortes sur la restructuration des entreprises publiques et le système de subvention, elle prévoit un début de réduction des effectifs dans la fonction publique, avec la mise en place d’un plan de départ anticipé à la retraite à 57 ans sur 3 ans et un plan d’aide à la mobilité vers le privé. 

La ministre des Finances a déclaré lors de la conférence de presse que le mécanisme de subvention sur les produits de base et d’ajustement des prix pour le carburant serait maintenu.

Source Ambassade de France en Tunisie

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