Face aux difficultés d’approvisionnement du Liban en carburant et à un secteur électrique en déliquescence symbolisée par une production publique d’électricité qui ne dépasse pas plus de 2 à 3 heures par jour depuis l’été 2021, plusieurs solutions sont envisagées pour améliorer la situation. Toutefois, aucune d’entre elles ne permet d’assurer la sécurité énergétique de la population, laquelle nécessite de réformer le secteur en profondeur.
La pénurie d’électricité s’est fortement aggravée au long de l’approfondissement de la crise économique et financière. Électricité du Liban (EdL, compagnie publique de production et de distribution d’électricité) étant en situation de déficit structurel, la production d’électricité est tombée à moins de 500 MWh actuellement (soit 2h/jour). Dans ce contexte, les ménages libanais qui en ont les moyens ont recours à des générateurs privés (extrêmement coûteux, notamment au regard du pouvoir d’achat) ainsi qu’à l’installation résidentielle de panneaux photovoltaïques.
Le 23 juillet 2021, le Liban et l’Irak ont signé un accord, effectif depuis septembre pour une durée d’un an, assurant la fourniture de carburant irakien non raffiné à hauteur de 1 million de tonnes. Ce carburant est ensuite échangé contre des produits raffinés permettant un approvisionnement théorique de 500 MWh.
Les autorités libanaises travaillent avec l’Égypte, la Jordanie et la Syrie au déploiement d’une interconnexion régionale qui permettrait d’approvisionner le Liban en électricité jordanienne d’une part, et en gaz égyptien, d’autre part, via le gazoduc arabe traversant la Jordanie et la Syrie.
Ce projet permettrait de fournir au Liban au mieux 600 MWh. L’offre énergétique serait toujours très insuffisante pour absorber la demande domestique, mais constituerait un léger progrès par rapport à la situation actuelle (environ 2h d’électricité supplémentaire par jour).
La Banque Mondiale envisage de soutenir le financement du projet via un prêt PfR (Program for Result) à hauteur de 300 M USD3 sur le volet gazier en premier lieu. L’octroi du prêt reste conditionné à l’approbation du plan de réforme de l’électricité par les autorités libanaises et l’adoption par le conseil d’administration de la Banque. Un signe des États-Unis sera aussi nécessaire pour émettre une exemption au régime de sanctions décidées contre le régime syrien à l’été 2020 (Caesar Act). Il s’agit d’une demande des autorités égyptiennes pour démarrer le projet.
Les autorités libanaises comptent sur une nouvelle source d’approvisionnement en gaz via l’exploration et l’exploitation de gaz offshore au large du Liban. Cette prospection, qui pourrait accroître la production énergétique du pays à très long-terme, reste cependant conditionnée à la résolution des questions de frontières maritimes avec Israël (dossier actuellement en cours). Ce projet ne pourra, dans tous les cas, pas constituer une réponse de court terme à la crise, compte tenu des incertitudes entourant sa mise en œuvre et la présence effective de gaz.
Le chantier de la réforme globale du secteur de l’électricité reste incontournable
1) La mise en fonction de centrales à gaz à côté des installations existantes (Zahrani et Deir Ammar) pour augmenter la production d’électricité
2) Une amélioration significative de la gouvernance et de l’équilibre économique d’EdL, en déficit financier depuis 1992, ce qui suppose notamment un ajustement des tarifs de l’électricité, permettant à EdL de couvrir ses coûts de production, l’amélioration de la collecte des factures (avec l’installation de compteurs intelligents) et la mise en place d’une Autorité indépendante de Régulation de l’Électricité (ARE)
3) Un investissement stratégique et massif dans les énergies renouvelables compte tenu du haut potentiel solaire et éolien du pays.
L’actuel Ministre de l’Énergie a conditionné la réforme de la tarification électrique à l’augmentation de la production électrique (pour atteindre 8 à 10 heures par jour). Par ailleurs, le Conseil des Ministres a publié une décision à la suite d’une session du 25 février 2022 où il s’engage notamment à appliquer immédiatement (sans amendements) la loi sur l’électricité n°462 adoptée en 2002 dont l’une des principales mesures est la mise en place d’une autorité de régulation.
Alors que la période estivale approche (synonyme d’une hausse de la demande en électricité), la mise en œuvre rapide d’une réforme du secteur électrique est plus urgente que jamais si le Liban souhaite bénéficier du financement, par la Banque Mondiale, du projet d’interconnexion énergétique régionale. A défaut, de nouvelles difficultés pourraient apparaître dans les prochains mois.
Source Service économique de Beyrouth Ambassade de France au Liban
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