La hausse des taux d’intérêt dope la rentabilité des banques tunisiennes. Des risques liés à la forte exposition du secteur à la notation souveraine du pays et aux niveaux modestes des fonds propres pointent cependant à l’horizon.
La rentabilité des banques tunisiennes a rebondi à des niveaux proches de ceux d’avant la pandémie au premier semestre 2022, mais des risques de crédit liés à la forte exposition aux dettes contractées par l’Etat et aux exigences modestes en matière de fonds propres réglementaires commencent à apparaître, a indiqué Fitch Ratings dans une note d’analyse publiée le 12 octobre.
L’agence a précisé que la baisse des provisions destinées à couvrir les créances douteuses et la hausse des taux d’intérêts ont été à l’origine d’un fort rebond de la rentabilité des banques sur les six premiers mois de 2022. Le rendement moyen des fonds propres (ROE) du secteur a atteint 16% au premier semestre de l’année en cours, se rapprochant ainsi de son niveau de 2019 (17%), après avoir chuté à 10% en 2021.
Elle a, cependant, estimé que le niveau de dotations aux provisions pour dépréciation des créances n’est pas suffisant pour contrebalancer le risque de crédit, compte tenu de la détérioration de l’environnement opérationnel et de la qualité des actifs des établissements de crédit tunisiens. L’inflation élevée, la hausse des taux et l’instabilité politique exercent, en effet, des pressions sur les emprunteurs. Le ratio moyen prêts non-performants/prêts bruts des neuf plus grandes banques a déjà augmenté de 150 points de base pour atteindre 11,7 % à la fin du premier semestre 2022, alors que la moyenne du secteur se situe à 13,1 %.
De plus, les exigences modestes en matière de fonds propres réglementaires (ratio Tier 1 : 7 % ; ratio de fonds propres totaux : 10 %) sont moins prudentes que celles en vigueur dans d’autres pays africains.
Fitch précise dans ce cadre que les ratios moyens de fonds propres Tier 1 (11,6% à la fin du 1er semestre) et de fonds propres totaux (14,8%) du secteur offrent des « amortisseurs limités », compte tenu des risques souverains et de l’environnement opérationnel.
Le secteur bancaire est, en effet, très exposé à la notation souveraine de la Tunisie (CCC) à travers la détention de titres de dettes publics, les placements auprès de la Banque centrale et les prêts au secteur public. Hors entreprises publiques, cette exposition représentait 16% des actifs et 90% des fonds propres du secteur, à fin mai 2022.
« Bien qu’elle ne soit pas particulièrement élevée par rapport aux normes régionales, cette situation présente des risques au regard du niveau modeste des fonds propres des banques. La plupart des expositions sont en monnaie locale, ce qui signifie qu’une restructuration de la dette souveraine libellée en dinar tunisien pourrait entraîner des pertes substantielles pour les banques », explique l’agence, notant cependant que le système bancaire tunisien est relativement peu sensible au durcissement des conditions financières mondiales, compte tenu de sa faible dollarisation.
Réagissez à cet article