Alors que le gouvernement algérien accélère la mise en place d’une compagnie aérienne dédiée au transport domestique, les aéroports régionaux peinent à suivre. Faiblement modernisés et inégalement équipés, ils posent un défi logistique pour la réussite du projet.
Le 15 juin, le gouvernement algérien a affirmé avoir « fait un pas important » vers la création d’une nouvelle compagnie aérienne dédiée aux liaisons domestiques. Le projet, placé sous la tutelle d’Air Algérie, vise à relier « les différentes wilayas du pays par un réseau de transport moderne et régulier ». Cependant, cette ambition, portée au plus haut niveau de l’État, repose sur un maillon essentiel souvent négligé : les aéroports régionaux. En l’absence d’un plan de modernisation intégré des plateformes secondaires, ce projet court le risque d’une exécution partielle, ou pire, d’une dépendance à des infrastructures sous-dimensionnées.
L’Algérie compte officiellement 36 aéroports civils, dont 15 à statut international et 21 à vocation régionale ou domestique. Malgré cette couverture, les écarts d’équipement entre aéroports restent marqués. À Alger, le terminal international de Houari Boumédiène, livré en 2019, a été conçu selon les standards de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et dispose d’une capacité de 18 millions de passagers par an. Il est équipé de passerelles télescopiques, de scanners corporels de dernière génération et d’un système de reconnaissance faciale. À Oran, l’aéroport Ahmed Ben Bella, opérationnel depuis 2022, est doté d’infrastructures modernes, avec parkings automatisés et systèmes de contrôle aux frontières. Constantine, de son côté, a vu son terminal international étendu et modernisé, ce qui lui permet d’accueillir des vols long-courriers opérés notamment par Turkish Airlines ou Air France.
En dehors de ces grands hubs, la situation est plus contrastée. Si aucun projet de modernisation majeur n’a été achevé récemment dans des aéroports comme Bechar, Tindouf ou Jijel, plusieurs initiatives sont en cours ou à l’étude, notamment un nouvel aéroport en construction à Tamanrasset ainsi que des travaux préliminaires à Adrar, Djanet et Illizi. Cependant, ces projets restent souvent à un stade initial ou de planification, et les infrastructures actuelles demeurent insuffisantes pour accueillir régulièrement les vols dans des conditions optimales. Certaines pistes sont encore trop courtes ou dégradées pour les appareils de moyenne capacité, et plusieurs plateformes manquent d’équipements modernes de navigation, de passerelles ou de zones dédiées au traitement du fret.
À ce sous-investissement en infrastructures s’ajoute une fragilité logistique plus discrète qui est l’approvisionnement en carburant aviation. Naftal, l’entreprise publique chargée du ravitaillement, dispose actuellement de 30 dépôts dédiés à l’aviation répartis sur le territoire. Ce réseau, suffisant pour les plateformes du nord, devient incertain dès que l’on s’éloigne des grands centres. Dans le sud, des aéroports comme Djanet, Illizi ou Tamanrasset dépendent de livraisons par camions-citernes sur de longues distances, sans infrastructure de stockage sur site pour garantir la continuité des opérations. Sans extension programmée du réseau ou stratégie d’adaptation logistique, l’approvisionnement en carburant pourrait devenir un obstacle au fonctionnement de la future compagnie domestique.
Sans investissements ciblés pour moderniser les aéroports régionaux, la nouvelle compagnie aérienne pourrait être contrainte de concentrer ses opérations sur les grands hubs du Nord, tels qu’Alger, Oran et Constantine. Cette concentration risque de limiter l’accessibilité des régions plus éloignées, contredisant l’objectif initial de connecter l’ensemble des wilayas du pays.
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