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Denys Bédarride
Aujourd'hui Dernière mise à jour le Samedi 6 Décembre 2025 à 01:51

La problématique de la criminalité financière est prégnante en Palestine. Le poids significatif des devises et dépôts dans les actifs étrangers de l’économie palestinienne (59 %), lié à l’absence d’une monnaie nationale propre, facilite les opérations financières illicites comme le blanchiment d’argent. Le système financier local dépend du secteur bancaire israélien. Les menaces de suspension des correspondances bancaires avec celui-ci font peser un risque continu de blocage et encouragent l’informalité de l’économie et le recours à l’argent liquide.

La guerre crée aussi des conditions propices à la corruption, à la captation de ressources et à la désorganisation des instances de contrôle.

Dans ce contexte, la Palestine s’efforce depuis plusieurs années d’aligner son système financier sur les normes internationales du Groupe d’action financière (GAFI). 

Une première stratégie nationale de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB/FT) a été adoptée en 2018, marquant le début d’un processus structuré de mise en conformité. En 2024, la mise à jour de l’évaluation des risques, les recommandations du sous-groupe du GAFI pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (GAFI-MOAN), et les échanges du Trésor américain avec l’Autorité palestinienne, ont permis de réaffirmer la priorité de la lutte contre la criminalité financière. 

Il s’agit pour la Palestine de démontrer l’efficacité réelle des mécanismes de surveillance et de signalement des transactions suspectes, de renforcer les enquêtes, poursuites et confiscations, de garantir la transparence des organisations à but non lucratif, et de consolider la coopération internationale et technique. 

La détérioration de la qualité des actifs s’accélère. 

Les prêts non-performants ont bondi à 13 % fin mars 2024, alors que les provisions baissaient paradoxalement, avec un taux de couverture dérisoire de 10 %. Ce sous-provisionnement systématique témoigne soit d’une incapacité financière, soit d’une volonté d’embellir artificiellement les comptes. 

Les tensions de liquidité contraignent les banques à multiplier les emprunts d’urgence auprès de la Banque centrale, dont les découverts atteignaient 190 milliards de rials fin mars 2024, avec une concentration inquiétante sur quelques établissements. 

Ces exigences s’accompagnent actuellement d’une pression politique et financière accrue des bailleurs de fonds internationaux, notamment des États-Unis, de l’Union européenne et du FMI. 

Leur soutien au système financier palestinien, déjà affaibli par la rétention des recettes fiscales par Israël, est désormais conditionné à des progrès mesurables en matière de gouvernance financière. La Palestine doit d’un côté renforcer ses dispositifs pour maintenir l’accès au système bancaire mondial et de l’autre, elle subit une ingérence normative croissante qui limite sa marge de manœuvre souveraine dans la régulation de ses flux économiques internes. 

Une nouvelle stratégie nationale, couvrant la période 2025-2028, a dans ce contexte été adoptée en juin 2025 et rendue publique en octobre 2025. 

Approuvée par le conseil des ministres, elle reflète un engagement politique élevé. Elle s’appuie sur un comité national composé de 23 institutions publiques et financières (ministères, Autorité monétaire, services de sécurité, unité de renseignement financier, instances judiciaires) et vise un double objectif : protéger le système financier des flux illicites tout en préservant les relations bancaires internationales. 

La stratégie repose sur dix objectifs stratégiques, pour un coût total estimé à 2,8 M USD. Les priorités incluent : le développement de systèmes de données et de statistiques, le renforcement judiciaire et la coopération interinstitutionnelle, la réduction du secteur informel et l’inclusion financière, ou la fiabilité et la traçabilité des données financières. 

Ces dépenses sont conçues pour améliorer la résilience institutionnelle, moderniser les mécanismes de supervision, et garantir la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité en matière de lutte contre le financement du terrorisme. Un mécanisme de suivi centralisé coordonné par le secrétariat de l’équipe nationale est instauré.

La stratégie nationale 2025-2028 illustre l’effort de la Palestine pour se conformer aux standards internationaux et préserver la stabilité de son système financier. 

Cependant, la dépendance vis-à-vis des bailleurs et les contraintes de la relation avec Israël limitent sa mise en œuvre autonome. L’efficacité réelle de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dépendra moins de la technicité du plan que de la capacité de la Palestine à exercer une souveraineté économique et monétaire réelle, condition préalable à toute gouvernance financière durable.

Source Ambassade de France à Tel Aviv 

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