#Afrique #AnalyseEconomique #Coronavirus #Covid19 #EchangesMediterraneens
Thibault Bluy
jeudi 24 septembre 2020 Dernière mise à jour le Jeudi 24 Septembre 2020 à 01:11

La crise sanitaire et économique engendrée par la pandémie de Covid-19 a fait comprendre la nécessité de relocaliser certaines productions. Et rappelé, dans cette perspective, l’importance de renforcer la coopération entre l’Afrique, la Méditerranée et l’Europe.

« La conséquence de cette crise, c’est la prise de conscience des répercussions d’une mondialisation sauvage et effrénée, comme on l’a connue entre 1970 et 2010, analyse pour Ecomnewsmed Jean-Louis Guigou, fondateur de l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed). Il y a eu trop de dispersion, trop de perte de contrôle de souveraineté. Les pays se demandent si c’est le sens du progrès de déléguer à d’autres leur destin, et les entrepreneurs disent : “il faut compacter, recompacter les chaînes de valeurs”. »

Le constat est d’autant plus alarmant pour la Méditerranée et l’Afrique que la crise a provoqué l’effondrement du cours des matières premières, dont dépendent de nombreuses économies de la zone. Si la plupart des pays ont enregistré jusqu’à maintenant beaucoup moins de contaminations que le reste du monde – pour diverses raisons, comme la jeunesse des populations, le climat, la ruralité ou encore l’expérience des crises sanitaires – , ils ont été indirectement affectés car la demande de leurs principaux clients occidentaux était « en panne ».

Pour 2020, la Banque africaine de développement (BAD) prévoit une récession continentale de 1,7 % à 3,4 %, soit une contraction de 145,5 à 189,7 milliards de dollars du produit intérieur brut – contre – 4,9 % au niveau mondial, d’après le Fonds monétaire international (FMI). Les États les plus dynamiques devraient être les plus touchés – Nigeria (– 4,4 %), Afrique du Sud (– 6,3 %), Algérie (– 4,4 %), Maroc (– 3,4 %) – et seule l’Égypte devrait enregistrer un résultat positif (+ 2,2 %, soit tout de même deux tiers de moins qu’annoncé avant la crise).

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Réponse régionale

Pour Jean-Louis Guigou, plus que jamais, la réponse doit être « régionale et non nationale ». « La relocalisation dont on parle actuellement ne doit pas bénéficier au repli national mais à la constitution de regroupement de pays, le plus souvent voisins, qui s’associent pour former une grande région. […] Les chefs d’entreprise privilégient le retour de la proximité géographique et culturelle, la valorisation des complémentarités démographiques, climatiques, et la mutualisation des efforts face aux défis communs à surmonter. Ainsi se constituent des régions de plus en plus intégrées, ayant parfois des niveaux de développement différents, mais qui partagent la même vision de l’avenir et le même souci de sécurité et de précaution. »

L’Europe a tout intérêt à proposer un pacte industriel aux pays africains, avec coproduction et garantie de souveraineté à partager sur les process et les produits

Jean-Louis Guigou, fondateur de l’Ipemed

Suivant ce schéma, il est aussi naturel qu’impératif pour la Méditerranée de renforcer son intégration économique au cœur de la « verticale AME » – acronyme d’Afrique-Méditerranée-Europe. Un axe potentiellement aussi structurant que les « grands quartiers d’orange » que l’on retrouve en Amérique et en Asie.

Le président du comité stratégique de l’Ipemed en développe la pertinence : « Parce qu’il manque à l’Europe et aux pays de l’Est des matières premières, de la jeunesse, des compétences, de l’espace, du soleil, des produits tropicaux, équatoriaux, il est temps de se tourner en priorité vers la rive sud de la Méditerranée et vers l’Afrique subsaharienne. Ces pays ont une abondance de matières premières, de jeunesse, de multiples ressources. Ils ont la volonté et la capacité de s’industrialiser à partir de leurs matières premières. L’Europe a donc tout intérêt à proposer un pacte industriel aux pays africains, avec coproduction et garantie de souveraineté à partager sur les process et les produits. D’autant plus que la situation post-Covid redistribue les cartes de la délocalisation en défaveur de la Chine, offrant une nouvelle chance aux pays au sud de la Méditerranée. »

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