L’Union pour la Méditerranée semble plus que jamais morcelée depuis la crise financière de 2008. La pandémie n’a fait qu’aggraver une situation économique déjà fragilisée. Sur la rive nord, l’Italie, l’Espagne, la Grèce vacillent quand sur la rive sud, la situation politique reste toujours instable et demeure un frein aux investissements notamment en Égypte, en Tunisie et en Algérie.
« L’Égypte va droit dans le mur. Le secteur privé refuse d’investir compte tenu de l’importance des risques politiques. Les militaires ont succédé au régime d’Hosni Moubarak. La Tunisie est au bord de la crise d’endettement. La guerre civile sévit notamment en Irak, en Turquie. L’intégration méditerranéenne, ce rêve ne peut se réaliser qu’à condition de parvenir à une certaine stabilité dans la région. La révolution gronde dans les rues en Iran, au Liban, au Soudan, en Algérie, les citoyens sont au bord de la révolte. Nous sommes revenus à la période du processus de Barcelone. La baisse du prix du baril constitue un véritable problème et il est indispensable que les économies soient davantage diversifiées », analyse Ishac Diwan, professeur d’économie à Paris Sciences et Lettres, invité à participer à un webinaire, ce 30 mars 2021, sur les « nouvelles voies pour renforcer l’intégration méditerranéenne ».
Centrée sur la construction et l’énergie, l’économie doit se diversifier
C’est également le thème d’un rapport publié en début d’année par le Centre pour l’intégration en Méditerranée (CMI). Son auteure, Blanca Moreno-Dodson, directrice du CMI basé à Marseille, insiste dans ce document, la nécessité d’améliorer l’accès à la finance, la formation de la main d’œuvre, prône le développement du capital humain tout en insistant sur l’inclusion pour réduire les déséquilibres sociaux. « L’intégration en Méditerranée nécessite d’éliminer les barrières tarifaires et non tarifaires, de lever les freins pour améliorer l’attractivité auprès des investisseurs tout en favorisant l’inclusion et parvenir à une cohésion de territoire », souligne Blanca Moreno-Dodson.
Chiffres à l’appui, elle démontre que les investissements directs étrangers sont principalement réalisés dans les secteurs de l’énergie et la construction. Selon elle, les migrations constituent également un élément déterminant de l’intégration méditerranéenne tout comme l’accélération de la libéralisation des échanges.
Frilosité des fonds d’investissement
« L’absence de fonds d’investissements en Méditerranée pose des difficultés de relocalisation faute d’avantages comparatifs », observe la directrice du CMI. Pour Hyppolyte Fofack, économiste en chef et directeur de recherche à l’African Import-Export Bank (Afreximbak), la technologie constitue le chaînon manquant voué à améliorer les échanges et les chaînes de valeur. « Elle sera le moteur de la croissance grâce à l’IA au big data, à la robotique et la 3D. La proximité géographique n’est plus nécessaire », commente Hyppolyte Fofack. Selon lui, l’enjeu sera la connectivité et l’élargissement des réseaux. Autre élément clé à une intégration réussie en Méditerranée, la jeunesse et sa capacité à innover. « Il est nécessaire de conférer aux jeunes une dimension créative en modifiant l’écosystème. La sortie de crise dépendra de la capacité à se placer dans la nouvelle économie. La crise a généré une prise de conscience auprès des politiques de l’importance de l’environnement. Ce sera l’enjeu des dix prochaines années », commente Jean-Louis Reiffers, fondateur du réseau des Écoles de la deuxième chance, doyen honoraire d’Aix Marseille Université et ancien coordinateur du réseau Femise. Analysant, le cas du Maroc, Uri Dadush, Professeur d’économie à l’Université du Maryland, note une amélioration du niveau de vie au royaume chérifien de « 1,5 fois supérieure à la précédente génération » et une « hausse des IDE jusqu’à 3% du PIB » qui insère le pays dans la chaîne de valeur internationale. Uri Dadush observe également une situation économique saine et ce en dépit de la crise sanitaire qui dégrade les économies au Nord de la Méditerranée. « En Europe, l’Espagne, l’Italie, la Grèce ont sous performé depuis dix ans. », observe-t-il tout en pointant la persistance d’inégalités au Maroc qui exacerbent les tensions sociales et politiques. Pour Uri Dadush, le régime est nénamoins en capacité d’accepter le changement et de poursuivre ses réformes.
Nathalie BUREAU DU COLOMBIER
Photo : Constantin Tsakas, consultant pour le CMI animateur du wébinaire. A ses côtés, Jean-Louis Reiffers, fondateur du réseau des Écoles de la deuxième chance, doyen honoraire d’Aix Marseille Université et ancien coordinateur du réseau Femise. ©N.B.C
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