Gaz léger, réactif et surtout non polluant, l’hydrogène suscite un intérêt croissant des États dans le cadre de la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique. Lors d’une conférence organisée par la Banque Mondiale le 29 avril 2021 à laquelle Ecomnews Med a participé , les ambitions de décarbonation de l’Égypte, du Portugal et de l’Allemagne ont été présentées. Mesures politiques d’incitations à l’émergence de hubs, adossés à des infrastructures de transport compétitives, quelles seront les routes de transport de l’hydrogène de demain ? Si les industriels avancent leurs pions, tout reste à construire…
L’Egypte, en très bonne place :
« En Égypte, nous possédons d’importantes ressources gazières, du foncier pour développer la production d’énergies renouvelables et un vaste réseau de pipeline de gaz. Nous sommes par ailleurs à proximité des marchés européens où sont implantées d’importantes zones industrielles et reliés aux ports méditerranéens et de la mer Rouge », avance Ahmed Osama Abdulrahman, vice-président d’Egyptian Natural Gas Holding, chargé de la planification et des projets. De quoi aiguiser l’appétit des établissements financiers et groupes internationaux industriels qui entendent capitaliser sur le potentiel du pays. Siemens va développer un projet pilote d’hydrogène vert et un accord vient d’être passé avec Deme Concession afin d’étudier la création d’un ou plusieurs hubs en Égypte.
L’industrie tire la demande en hydrogène
Intervenant le 30 avril lors d’une conférence du Centre pour l’intégration en Méditerranée intitulée « Hydrogène en Méditerranée : Politiques nationales et stratégies », le vice-président de la société gazière a détaillé les grands axes de la « Stratégie Énergie durable du pays à horizon 2035 » adoptée par le Conseil de l’énergie en 2016 et soutenue par l’Union européenne. « Elle repose sur trois défis à relever : social, économique et environnemental. Les énergies renouvelables de 2016 à 2019 ont progressé de 60%. Nous voulons augmenter la part de l’énergie dans notre PIB. Un comité interministériel a été spécialement constitué pour soutenir la production d’hydrogène ».
Le pays examine également les options pour valoriser l’hydrogène pour produire de l’ammoniac et du méthane décarbonné qui pourrait se substituer au gaz naturel. L’histoire de la poule et de l’œuf avec le GNL se répète aujourd’hui dans la filière hydrogène. « C’est la demande, l’industrie qui doit tirer le marché. Quelles industries et à quel coût ? », Ahmed Osama Abdulrahman, vice-président d’Egyptian Natural Gas Holding.
En effet, compte tenu des volumes, ce sera l’industrie et non les transports qui stimulera le marché de l’hydrogène. Gros émetteur de CO2, le sidérurgiste indien Arcelor-Mittal ambitionne de substituer le charbon par de l’hydrogène pour produire un acier vert. Sur le marché de la mobilité, les volumes demeurent modestes au regard de l’industrie. Simon Muller, consultant senior à la Banque Mondiale pointe les handicaps de la filière « Il faut des systèmes de stockage de CO2 et aujourd’hui le coût de transport de l’hydrogène est élevé ». Bien plus élevé que le gaz naturel et que l’hydrogène gris (issu des énergies fossiles donc carbonné).
Une dorsale hydrogène de près de 40 000 KM en 2040
Raison pour laquelle, 21 États européens se sont engagés dans la « Dorsale hydrogène européenne » visant à construire 39 700 km d’infrastructures d’hydrogène en 2040. 69% des canalisations seront constituées de la reconversion de réseaux gaziers existants et 31% composées de nouvelles canalisées. Ainsi, une route de l’hydrogène pourrait émerger entre les sources d’approvisionnement (Péninsule ibérique et Afrique du Nord) vers les bassins de consommation au nord de l’Europe en Allemagne notamment. « Nous voulons bâtir un réseau de transport d’hydrogène vert. Notre stratégie s’articule en trois phases avec les premiers projets pilotes en 2020-21, la consolidation du marché entre 2024 et 2030 et l’accélération entre 2030 et 2050. Nous allons investir entre 7 000 et 9 000 M€ dans la création de 50 à 100 stations d’électrolyseurs. Nous visons un marché qui devrait générer entre 8500 et 12 000 emplois en 2030 », détaille Isabel Cabrita, directrice de recherche à la Direction générale de l’énergie du Portugal.
Le pays ambitionne de réduire de 47% ses gaz à effet de serre d’ici à 2030. L’Italie n’est pas en reste avec un projet de hub pour l’hydrogène vert développé par Sapio dans l’Adriatique dans la zone portuaire de Porto Maghera près de Venise.
Le processus de transformation de l’industrie a débuté 2014 avec la conversion en bioraffinerie opérée par ENI, confirmé par la prochaine opération du projet. En France, Total et Engie ont annoncé vouloir produire de l’hydrogène vers fin 2024 début 2025 à partir de fermes solaires qui seront installées sur le site de Total La Mède.
Nathalie BUREAU DU COLOMBIER
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