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Fiona Urbain
samedi 26 novembre 2022 Dernière mise à jour le Samedi 26 Novembre 2022 à 01:24

Ecomnews a pu interviewer Jean-Louis Guigou, fondateur de l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed). Il plaide pour une communauté euro-méditerranéenne de l’énergie.

Dans une tribune publiée dans le Monde Afrique, Jean-Louis Guigou, fondateur de l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed) défend l’idée d’une communauté euro-méditerranéenne de l’énergie.

« La guerre en Ukraine demande une nouvelle stratégie politique, mais aussi économique et géographique. Les Européens veulent se libérer du gaz et du pétrole russes ; les Africains, qui vivent une grande distorsion entre une démographie galopante et une croissance économique modeste, ont de l’énergie et recherchent du blé et des oléagineux.

Dans cette nouvelle donne énergétique, l’Algérie a un rôle-clé à jouer. Dès 2010, l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed) est arrivé à la conclusion que la France et l’Algérie sont à la Méditerranée ce que la France et l’Allemagne furent à l’Europe. On ne peut rien faire en Méditerranée sans le retour de la confiance entre la France et l’Algérie.

Pour surmonter le passé douloureux des deux guerres mondiales, les Allemands et les Français avaient eu l’intelligence et le courage de se lier par l’énergie en créant, en 1952, la Communauté économique du charbon et de l’acier (CECA). Ils ont invité les autres pays européens à les rejoindre. Ce fut un succès. L’énergie est un domaine capable de déclencher une intégration régionale de grande ampleur, dans la durée. C’est ainsi qu’en 1957 fut créée la Communauté économique européenne (CEE).

Pour dépasser les traumatismes de l’histoire, il ne peut y avoir qu’un projet historique ambitieux. Pourquoi ne pas imaginer mettre en place cette communauté euro-méditerranéenne de l’énergie qui associerait, sur le long terme, des pays producteurs et des pays consommateurs ? L’idée a déjà été évoquée dans une communication conjointe de la Commission européenne et de la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, le 8 mars 2011 : une « communauté de l’Énergie entre l’Union européenne et le sud de la Méditerranée s’adresserait d’abord aux pays du Maghreb et pourrait progressivement se répandre aux pays du Machrek ».

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Un partenariat stratégique

Dix ans plus tard, nous n’avons pas avancé. Nous n’avons pas su nouer un partenariat stratégique entre les deux rives de la Méditerranée, fondé sur des coproductions et le partage de la valeur ajoutée. La guerre en Ukraine éclaire aujourd’hui les inconvénients lourds de l’absence d’une stratégie énergétique euro-méditerranéenne.

En moins de dix ans, la rive sud de la Méditerranée pourrait compenser, avec les hydrocarbures d’abord puis le solaire, l’énergie que nous achetons à la Russie. En échange, l’Europe s’engagerait à livrer préférentiellement aux pays du nord de l’Afrique, de l’Égypte au Maroc, les céréales et les oléagineux dont ils ont besoin tout en leur apportant un soutien pour reconstruire leur potentiel de production céréalière.

Dans cette perspective, l’Algérie, avec son riche potentiel d’énergies fossiles et solaire, sa position géographique de nœud pour un réseau de gazoducs entre l’Égypte, le Nigeria, le Sénégal, la Mauritanie et l’Europe à travers l’Italie et l’Espagne, peut devenir la « pile électrique » de l’Europe. Elle peut aussi ouvrir en profondeur le continent africain aux productions européennes grâce au projet de la route transsaharienne qui reliera les ports méditerranéens au Sahel et à l’Afrique profonde pour déboucher dans le golfe de Guinée.

Depuis plusieurs années, l’Algérie travaille en effet discrètement avec cinq autres pays africains à l’un des plus grands projets d’aménagement du territoire au monde : un corridor, véritable dorsale associant autoroutes, gazoducs, Internet et chemins de fer, reliant les ports méditerranéens (Tunisie et Algérie, notamment un port en eaux profondes à Cherchell) au port de Lagos.

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Un projet mobilisateur

Traverser l’Afrique en six jours, alors que rejoindre par bateau Alger à Lagos prend trois semaines, constituerait une économie considérable, une impulsion majeure pour relier ces pays, et l’Afrique à l’Europe.

Cet axe vertical nord-sud, mais aussi sud-nord entre l’Europe et l’Afrique, serait aussi un axe sud-sud (intégration régionale de l’Afrique de l’Ouest) et intégrerait économiquement l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne. Il créerait des emplois pour la jeunesse du Sahel dans des zones économiques spéciales. On le comprend, les Européens doivent faire aux Africains une offre de partenariat aussi stratégique que les Chinois avec les « nouvelles routes de la soie ». La Chine pourrait être la grande gagnante de la guerre en Ukraine qui divisera l’Europe pour longtemps et lui offrira l’économie russe. Faisons en sorte qu’elle ne gagne pas aussi en Afrique, alerte Jean-Louis Guigou.

En initiant ce triple accord euro-méditerranéen sur l’énergie, les productions agricoles et la valorisation de la Transsaharienne, l’Algérie et la France impulseraient un projet mobilisateur comme le fut naguère la CECA, offrant des perspectives de développement sur le long terme, valorisant la proximité, la complémentarité et la solidarité face aux enjeux qui nous menacent tous. »

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