Lancé en 2007 par le souverain marocain pour contribuer à éclairer les prises de décision par les autorités, l’Institut royal des études stratégiques estime que le pays dispose de plusieurs avantages comparatifs qui lui permettraient de devenir un important acteur dans des secteurs en plein essor à l’échelle mondiale comme l’électricité verte, l’industrie pharmaceutique et l’industrie ferroviaire.
L’industrie navale, l’industrie ferroviaire, l’électricité verte, la chimie verte, l’industrie pharmaceutique, la logistique et le transport, l’artisanat et l’art culinaire sont les secteurs stratégiques que le Maroc gagnerait à promouvoir à l’avenir pour mieux s’intégrer dans les chaînes de valeurs mondiales et engranger des gains supplémentaires en matière de développement économique et social, selon un rapport publié le 10 avril par l’Institut royal des études stratégiques (IRES).
Intitulé « L’avenir des métiers mondiaux du Maroc », le rapport précise que l’identification de ces nouveaux secteurs s’est basé sur un scanning d’un spectre de nouveaux métiers mondiaux potentiels qui tient compte des avantages comparatifs du Maroc, du poids de ces secteurs dans les échanges mondiaux et des évolutions géostratégiques.
L’appellation « métiers mondiaux du Maroc » remonte à 2005. A l’époque, le royaume chérifien a présenté son « Plan Emergence » destiné à renforcer l’industrialisation de son économie, qui était très dépendante du secteur agricole et des exportations à faible valeur ajoutée.
Elaboré avec le concours du cabinet de conseil McKinsey, ce plan avait alors identifié six « métiers mondiaux » à développer : l’aéronautique, l’automobile, l’électronique, l’offshoring de services, l’agroalimentaire et le textile & cuir.
Le rapport note dans ce cadre que le Maroc a réalisé des performances remarquables dans certains de ces secteurs comme l’industrie automobile et l’aéronautique, même si des goulets d’étranglement liés essentiellement au capital humain et la recherche & développement sont rapidement apparus dans les secteurs à haute intensité technologique.
Des chaînes de valeur mondiales en pleine mutation
Les chaînes de valeur mondiales ont connu, entre temps, des mutations profondes liées aux tensions commerciales, aux progrès technologiques (l’intelligence artificielle et la robotisation), aux valeurs ajoutées digitales, aux contraintes environnementales (durcissement de la réglementation sur l’impact carbone notamment), aux crises économiques, financières, sanitaires ainsi qu’à la transition énergétique.
Les nouvelles réglementations environnementales et les coûts de l’énergie poussent de plus en plus les entreprises à chercher des produits de substitution (voiture électrique, produits alimentaires bio, intrants propres…).
L’évolution technologique rapide contribue, quant à elle, à faire disparaître les acteurs qui n’ont pas les moyens de s’adapter rapidement et conduit les autres acteurs à l’adoption de « stratégie globale de couverture » de toute la filière (amont et aval). On passe ainsi d’une spécialisation sectorielle vers une spécialisation fonctionnelle, comme en atteste l’accaparement du secteur de l’électronique par l’industrie automobile et l’industrie aéronautique.
D’autre part, l’importance de la recherche & développement et de l’innovation conduit les acteurs vers de nouveaux partenariats basés sur la mutualisation des dépenses.
Les guerres commerciales poussent également à un raccourcissement des chaînes de valeur mondiales et à une diversification des fournisseurs et des clients pour réduire les chocs extérieurs. Des mouvements de relocalisations ou de réindustrialisation commencent aussi à apparaître. Par ailleurs, les mouvements de concentration (fusions-acquisitions) s’accentuent avec la mise en œuvre de stratégies de « ré-internalisation » (backsourcing – l’intégration au sein d’une entreprise d’une activité précédemment externalisée), comme c’est déjà le cas en Europe et aux Etats-Unis.
Face à ces mutations, les chercheurs de l’Institut royal des études stratégiques se sont basés sur une collecte documentaire, des entretiens avec des experts et la réalisation d’une analyse SWOT (acronyme de Strengths – Weaknesses – Opportunities – Threats/Menaces – Opportunités – Forces – Faiblesses ) pour explorer des gains potentiels résultant de la promotion d’autres métiers mondiaux et/ou régionaux, surtout dans le contexte de l’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Sept secteurs ont été ainsi été identifiés.
Capitaliser sur les avantages comparatifs
Le rapport souligne que le Maroc est en mesure de prendre une position de leader régional dans le domaine de l’industrie navale alors que l’Agence nationale des ports (ANP) s’apprête à lancer de nouveaux chantiers navals à Safi, Jorf-Lasfar, Kénitra, Nador et Dakhla et à réhabiliter des chantiers moins récents comme celui de Tan-Tan et d’Agadir.
Fort de son réseau portuaire et de ses projets de construction de nouveaux chantiers navals, le pays pourrait saisir l’opportunité de la hausse de démolitions de navires dans le futur, suite aux exigences de construction propre et de consommation énergétique verte, et la hausse prévue de la demande de l’Afrique de l’Ouest, de l’Europe et d’Amérique du Nord en ce qui concerne le démantèlement de petits navires pour une extension de l’activité vers des navires de gros tonnage.
Dans le domaine de l’industrie ferroviaire, le Maroc pourrait bénéficier de transfert de technologies et de savoirs, vu la présence dans le royaume de certains grands industriels du secteur comme Colas rail et Eolane.
S’agissant de l’électricité verte, le pays pourrait devenir un exportateur d’énergie verte, en capitalisant sur sa position de leader régional dans le domaine des énergies renouvelables qui peut notamment attirer les entreprises spécialisées dans la production de l’hydrogène vert.
Les chercheurs de l’Institut royal des études stratégiques estiment également que Rabat pourrait devenir un acteur important du secteur de la chimie verte, grâce notamment à l’abondance de ses ressources végétales bio qui lui permettraient d’être en conformité avec les nouvelles réglementations en matière d’usage d’additifs de synthèse.
Pour ce qui est de l’industrie pharmaceutique, la proximité géographique du Maroc des plus grands donneurs d’ordre (l’Europe) et de grands pays importateurs en Afrique pourrait l’aider à capter une part du marché mondial de production des médicaments génériques.
Dans le secteur de la logistique et du transport, la proximité de l’Europe et de l’Afrique pourrait aussi permettre au pays de profiter du raccourcissement des chaînes de valeur mondiales pour se positionner en tant que prestataire de services de transport, d’entreposage, de préparation de commandes et d’autres opérations à forte valeur ajoutée.
Dans le secteur de l’artisanat et de l’art culinaire, le rapport indique que le Maroc dispose d’un potentiel énorme en termes de savoir-faire, d’innovation, de coûts de la main d’œuvre et de disponibilité des matières premières pour devenir un important acteur mondial dans ce domaine, en augmentant notamment la compétitivité de la filière Bio et de celle de la fabrication des compléments alimentaires à base de plantes.
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