L’apparition, à la fin de 2019, d’un nouveau coronavirus et la crise qui s’en est suivie n’ont épargné aucune des économies du bassin méditerranéen. Avec toutefois une ampleur et surtout des réponses variables suivant les États. Zoom sur trois exemples emblématiques : la Tunisie, la France et l’Égypte.
« Les conséquences de la pandémie de Covid-19 n’ont épargné ni les pays pauvres, ni ceux producteurs de pétrole, ni les nations semi-industrialisées comme la Tunisie, la Jordanie ou le Maroc », commence Sami Aouadi, porte-parole de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), s’exprimant lors du Forum du dialogue social organisé les 6 et 7 octobre par l’Union pour la Méditerranée (UpM).
Au Pays du jasmin, le produit intérieur brut (PIB) a chuté de 2 % à 4 % en raison des mesures sanitaires imposées aux entreprises et aux citoyens. Dans le même temps, le chômage a augmenté de 2 % à 5 %, et la pauvreté a crû pour atteindre 4,4 % de la population, d’après Sami Aouadi. Rien qu’au mois d’avril, 161 000 emplois ont été détruits et 34 % des salariés n’ont touché aucun revenu (13 % n’en ont perçu qu’une partie).
Si la gestion sur le plan de la santé avait bien commencé, les mesures en faveur des travailleurs ont tardé à être prises
Sami Aouadi, Union générale tunisienne du travail (UGTT).
Si la gestion sur le plan de la santé « avait bien commencé » avec peu de cas d’infection au départ, les mesures en faveur des travailleurs ont tardé à être prises collectivement, souligne Sami Aouadi. Le télétravail n’a été autorisé que pour moins d’un quart des employés, accroissant les inégalités avec de nombreux problèmes d’accès à un ordinateur et à une connexion internet satisfaisante.
« Nous appelons à la solidarité internationale, et notamment à ce que le FMI desserre ses contraintes afin que la mondialisation ne soit pas seulement synonyme de libre échange mais prenne enfin un “visage humain”, selon la formule de Joseph Stiglitz », conclut le syndicaliste et professeur d’université.
– 900 000 emplois en France
Intervenant dans le même cadre, Pierre-Matthieu Jourdan, directeur des relations industrielles au Mouvement des entreprises de France (Medef), évoque lui aussi le choc « rapide, massif, soudain » qui a secoué l’Hexagone. En avril, ce sont plus de 5,8 millions de salariés – sur un total national de 25 millions – qui ont été placés en chômage partiel. L’impact estimé est considérable, avec – 9 % de croissance attendue en 2020, engendrant la destruction de 800 000 à 900 000 emplois ainsi qu’un taux d’inactivité qui devrait frôler les 10 %.
Le représentant du patronat met cependant en avant le « moral plutôt bon » des chefs d’entreprise, 87 % se disant confiants quant à la capacité de leur structure à surmonter cette mauvaise passe – suivant un sondage réalisé avant la « deuxième vague » de l’automne 2020.
« On peut saluer la prise de conscience rapide du gouvernement, qui a notamment pris en charge les rémunérations jusqu’à hauteur de 4,5 fois le salaire minimum, poursuit Pierre-Matthieu Jourdan. Le télétravail a également été un fort levier pour la continuité de l’activité, de même que l’assouplissement temporaire du droit du travail et un dialogue social renforcé, avec la signature de plus de 5 000 accords collectifs au cours des six premiers mois de l’année. »
Une Égypte « mieux préparée »
Quant à l’Égypte, elle semble mieux s’en sortir que ses voisins maghrébins et africains, avec des perspectives d’accroissement du PIB aux alentours de + 2,2 % en 2020, d’après la Banque africaine de développement (BAD) – soit un résultat de deux tiers moins élevé qu’annoncé avant la pandémie, mais beaucoup plus favorable que la récession anticipée à 3,4 % au Maroc et à 4,4 % en Algérie.
Dr El Sayed Torky, premier conseiller à la Fédération des industries égyptiennes, se félicite du « dialogue permanent instauré entre le gouvernement et les partenaires sociaux : « On discute des diverses réponses politiques à apporter pour garantir l’harmonisation des politiques public/privé. C’est le mot clé : harmoniser nos efforts entre les secteurs public et privé. »
23 % des ménages égyptiens ont subi la perte d’un emploi, mais Dr Torky se montre optimiste pour affronter le regain automnal de l’épidémie et ses répercussions. Son organisation a proposé de nombreuses mesures, du report de charges à des facilités d’accès aux terres industrielles, en passant par le soutien au secteur informel et par l’augmentation des fonds de compensation pour les industries qui ont été contraintes de fermer.
« On a dépassé la période la plus difficile. Le gouvernement et les partenaires sociaux ont désormais la capacité pour absorber les chocs et répondre de façon adéquate. L’expérience de ces huit derniers mois nous a appris à vivre avec le virus, et nos 90 000 entreprises sont prêtes à faire face », positive le responsable, mettant l’accent sur l’importance d’une formation plus « ciblée » pour répondre aux exigences de plans de relance définissant de nouvelles priorités, notamment numériques et environnementales.
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