Une équipe franco-marocaine, comptant des chercheurs et chercheuses de l’Université Paul-Valéry Montpellier 3, du CNRS et des Universités de Rabat et d’Oujda vient de mettre en évidence au Maghreb des traces de l’African Humid Period (AHP). La formation de nombreuses zones humides dans les régions pré-désertiques, au nord du Sahara il y a 11 000 à 5 000 ans, a été enregistrée dans les archives sédimentaires des Hauts Plateaux et du bassin de la Moulouya, au Maroc. L’étude, qui vient de paraître le 1er mars dans la revue Quaternary Science Reviews montre qu’elles ont pu constituer des voies d’échanges privilégiées entre les sociétés sahariennes et méditerranéennes au cours de la Préhistoire récente
L’African Humid Period, communément appelée “Sahara Vert”, correspond à l’installation de conditions humides en Afrique, via une intensification et un déplacement de la mousson vers le nord, rythmées par des paramètres orbitaux comme l’augmentation de l’ensoleillement.
Loin d’être le désert que nous connaissons actuellement, le Sahara était alors parsemé de nombreux lacs et couvert d’une savane arborée. De nombreuses recherches ont été menées ces dernières décennies dans les régions équatoriales et sahéliennes, mais peu se sont intéressées aux bordures septentrionales du Sahara.
L’étude qui vient de paraître, porte sur les archives sédimentaires alluviales du bassin de la Moulouya et des Hauts Plateaux du Maroc oriental. Elle vient combler le manque de travaux sur cette région aride séparée du Sahara par le massif de l’Atlas.
Les auteurs mettent en évidence la formation il y a 11 000 à 5 000 ans de nombreux dépôts fluvio-palustres et travertineux, révélant la pérennisation des aquifères alluviaux dans les plaines et vallées qui témoignent d’un climat plus humide que l’actuel et de conditions environnementales plus favorables à l’installation des sociétés humaines.
Ces zones humides se sont développées de manière simultanée sur l’ensemble de la région et présentent une chronologie similaire à celle des lacs sahariens qui se sont développés au cours de l’AHP de l’Holocène ancien et moyen.
Si l’ampleur de l’extension de la mousson africaine est encore sujette à débat dans la communauté scientifique, cette étude, même si elle ne témoigne pas en faveur d’une remontée de la mousson africaine sous ces hautes latitudes, supporte a minima son influence indirecte, encore mal comprise, sur les circulations atmosphériques (notamment le déplacement des anticyclones subtropicaux).
L’étude révèle la sensibilité de ces milieux aux influences climatiques complexes, au carrefour entre mer Méditerranée, océan Atlantique, et Sahara. Elle suggère également que les Hauts-Plateaux et le bassin de la Moulouya, aujourd’hui arides, ont pu être des voies de circulation privilégiées au cours de la Préhistoire récente entre le Sahara et le bassin méditerranéen.
La recherche a été réalisée par une équipe de chercheuses et chercheurs rattachés à plusieurs laboratoires et institutions, en particulier :
En France : le laboratoire Archéologie des sociétés méditerranéennes (Université Paul-Valéry Montpellier 3 / CNRS / Ministère de la Culture), le laboratoire Environnement ville et sociétés (CNRS / Université Lyon 3 / Université Lumière Lyon 2 / Université Jean Monnet Saint-Étienne / ENSA Lyon / ENS de Lyon / ENTPE) et le Laboratoire de géographie physique : environnements quaternaires et actuels (CNRS / Université Panthéon Sorbonne / Université Paris-Est Créteil) ;
Au Maroc : les Universités Mohammed V de Rabat et Mohammed 1er d’Oujda.
Ces travaux de recherche s’inscrivent dans le projet PALEOMAR soutenu par le LabEx ARCHIMEDE (ANR-11-LABX-0032-01) qui finance également le contrat doctoral de Bruno Depreux et dans le programme PALEOMEX de Mistrals, coordonné par le CNRS.
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