Les appels au boycott des produits français, lancés dans plusieurs pays arabo-musulmans à la suite du soutien renouvelé du président Macron aux caricatures du prophète Mohammed, semblent relativement circonscrits au Maroc. Un constat qui s’explique par l’importance des entreprises et des marques hexagonales dans le royaume, selon l’opérateur économique et ex-ministre Moncef Belkhayat.
« Aujourd’hui au Maghreb, et particulièrement au Maroc, nous estimons que ce mouvement de boycott est encore limité à quelques balbutiements, notamment sur les réseaux sociaux, commence Moncef Belkhayat, président-fondateur de Tijara 2020, association des distributeurs de produits de grande consommation. Je pense qu’à cet instant, il n’y a donc pas lieu de réagir. Nous sommes en train de gérer la situation, d’analyser l’évolution des choses minute par minute. Mais ce qui est certain, c’est qu’au niveau commercial et marketing, notre recommandation est de ne pas bouger pour le moment. »
Le plus important, c’est la position de notre gouvernement. En tant qu’opérateur économique, nous nous inscrivons à 100 % derrière lui et derrière sa position
Moncef Belkhayat, président-fondateur de Tijara 2020
« Le plus important, c’est la position de notre gouvernement. En tant qu’opérateur économique, nous nous inscrivons à 100 % derrière lui et derrière sa position », poursuit l’ex-ministre de la Jeunesse et des sports, qui a arrêté la politique pour se consacrer à ses activités notamment de communication, en tant que président de la société WB Africa.
Dimanche 25 octobre, le ministère des Affaires étrangères marocain a diffusé un communiqué « condamnant vigoureusement la poursuite de la publication des caricatures outrageuses à l’Islam et au Prophète Sidna Mohammed, Paix et Salut sur Lui ». « Le Royaume du Maroc dénonce ces actes qui reflètent l’immaturité de leurs auteurs », ajoute le texte, visant implicitement le président français Emmanuel Macron. Ce dernier avait déclaré, mercredi 21 octobre lors de l’hommage national au professeur assassiné Samuel Paty, que son pays continuerait, au nom de la liberté d’expression, à publier les dessins caricaturant le prophète Mohammed.
Omniprésence économique
Emboîtant le pas à des mouvements de boycott des produits français nés dans les pays du Golfe, des appels à des actions similaires ont émergé sur les réseaux sociaux marocains. Des initiatives qui restent marginales, et qui ont peu de chance d’aboutir en raison de l’omniprésence des marques hexagonales sur le marché du royaume, estime Moncef Belkhayat.
« Au Maroc, ce sont plusieurs dizaines d’entre elles qui sont consommées quotidiennement, explique-t-il, rappelant que 40 % du commerce extérieur marocain est tourné vers la France, quand Rabat constitue le sixième partenaire économique de Paris. 38 des 40 entreprises du CAC40 sont présentes ici. Elles fournissent des équipements d’aviation, de train, de tramway, mais aussi des produits de grande consommation. C’est notamment pour ces derniers qu’on a peur, car, s’il est très difficile de dire à quelqu’un qui va prendre un vol opéré par Airbus de ne pas monter dans l’avion, on ne peut pas dire à quelqu’un ce qu’il doit choisir dans un rayon de supermarché ou sur les étals d’une épicerie de proximité. »
Et l’expert de préciser les enjeux que cela représente en terme d’emplois : « Ce sont des entreprises qui font travailler des Marocains, qui travaillent avec des Marocains, pour des Marocains, qui ont des fournisseurs et des clients marocains. […] Si vous prenez par exemple Centrale Danone, il y a 100 000 agriculteurs qui vivent autour de son écosystème. Je ne pense donc pas qu’il faille pousser le bouchon trop loin. […] Il ne faut pas donner à ces histoires plus d’ampleur qu’elles ne le méritent, et ne pas tomber dans la psychose. »
Situation « plus compliquée » au Moyen-Orient
La situation dans l’empire chérifien semble bien différente de celle que connaissent les États de la péninsule arabique, où des images de rayons complètement vides après le retrait généralisé de certains produits, comme les fromages Kiri et Babybel, ont largement circulé sur la Toile, et où des centaines d’agences touristiques ont annulé leurs voyages vers l’Hexagone.
« Je pense qu’au Moyen-Orient, la situation va être un peu plus compliquée qu’ici, au Maghreb, dans le sens où la position de l’Arabie saoudite vis-à-vis de la Turquie, et la position de la Turquie vis-à-vis de la France et des pays à grosse capacité de consommation, vont faire qu’il est plus intéressant d’analyser ce qu’il se passe là-bas plutôt qu’ici. Les marchés sont 20 à 30 fois supérieurs, et par conséquent les mouvements risquent d’être un peu plus violents de l’autre côté », conclut Moncef Belkhayat.
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