La Tunisie face à l’augmentation des prix à la consommation sur les marchés
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Denys Bédarride
lundi 19 avril 2021 Dernière mise à jour le Lundi 19 Avril 2021 à 11:19

Neuvième mois du calendrier hégirien, le Ramadan a toujours revêtu une particularité qui plonge les Tunisiens dans une ambiance de convivialité et de festivités nocturnes compensant la privation diurne. Ce mois a, depuis la nuit des temps, été accueilli en grande pompe, les courses devant être faites, de nouveaux ustensiles de cuisine achetés, les sucreries pour accompagner les soirées ramadanesques précommandées et les maisons souvent repeintes.

Outre le fait qu’il soit un mois de pratique religieuse, le Ramadan a toujours été une occasion d’aider son prochain, de renouer avec les plus proches et de se rassembler autour d’une même table au moment de l’appel à la prière d’al-Maghreb.

Nombre de Tunisiens s’accordent, cependant, à dire que cela fait des années qu’ils ne vivaient plus le Ramadan d’antan et que ce dernier n’a désormais plus ces mêmes senteurs caressant la mémoire et ce même effet sur l’humeur des grands et des petits. La famille se rassemble, bizarrement, de moins en moins et les préparatifs se font de plus en plus rares. Les générations semblent être enfouies dans un rythme tellement accéléré qu’elles ne trouvent plus le temps ni l’énergie et les moyens pour savourer ces moment de réunion.

A cette occasion, l’Agence Anadolu (AA) s’est rendue au marché central de la capitale tunisienne, Tunis, afin de rapporter à son lectorat l’ambiance si particulière du mois de ramadan “à la sauce” Covid-19, ce virus qui fait la loi depuis plus d’un an, aujourd’hui. Confinement, couvre-feu, suspension des cours et interdiction des déplacements et des rassemblements .. mais le fait est qu’à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.  

Foule ramadanesque 

Distanciation sociale dites-vous? Tous étaient entassés les uns sur les autres, à aller dans tous les sens et à se bousculer avec acharnement, mais ils ont tâché à porter leurs masques, même si ce n’est pas toujours, convenablement fait. Les marchands criaient incessamment pour promouvoir leurs marchandises exposées sur leurs stands et les acheteurs tantôt négociaient, tantôt désespérément et à contrecœur finissaient par payer.

Venue faire ses courses en ce premier jour de Ramadan, Habiba, une dame d’un certain âge qui semblait ne plus savoir où donner de la tête, a affirmé que les prix étaient énormément plus élevés que ceux de l’année dernière, citant l’exemple du prix du poisson qui a connu, selon elle, une flambée, tout comme celui des chevrettes et de la viande rouge.

Elle a, toutefois, trouvé, que les fruits et les légumes étaient à la portée.

Prix en hausse, pourquoi ?

Le poissonnier Slim Chehibi, debout derrière les étalages des fruits de mer et des poissons, a fait savoir, dans ce sens, que les prix dépendent, du moins en partie, de la disponibilité des produits qui varie selon les conditions météorologiques changeantes.

Quand le temps est venteux mais pas pluvieux, le poisson se fait rare. Les averses sans vent ne constituent, par contre, aucun problème, d’après lui.

Slim impute également la hausse des prix au cercle de distribution et de commercialisation, en avançant ce qui suit: “Si un grossiste achète une pièce à deux dinars, il la vendra au détaillant que je suis à quatre. A quel prix vais-je donc la revendre au consommateur? Les prix grimpent automatiquement et varient de cinq à sept dinars.”

Interrogé sur la différence entre ce ramadan et celui de l’année dernière, le poissonnier n’a pas réfléchi deux fois avant de trancher: “le ramadan de cette année est beaucoup mieux.

“Le marché fermait à 13H durant le ramadan de 2020 tandis qu’il reste, aujourd’hui ouvert jusqu’à 17H voire 18H”, a-t-il expliqué.

Il venait d’acheter des citrons, indispensables pour l’assaisonnement des “Bricks” et des soupes durant le ramadan, quand Mohamed Ali, un quinquagénaire, a fait part de son constat au sujet des prix, à l’Agence Anadolu.

“Les prix sont abordables quand il s’agit des légumes tels que le persil et les épinards. Ceux des tomates et du poivron restent, toutefois, très élevés”, a-t-il précisé, ajoutant que les dattes se vendaient au-delà des tarifs réglementés par l’Etat.

“Dieu accompagnera les plus démunis durant ce mois saint et j’espère que les prix seront revus à la baisse car les courses ne couvrent plus nos besoins mensuels”, a espéré Mohamed Ali.

Problèmes de santé et pension dérisoire

Pour Saida, une femme âgée dont la pension de retraite ne dépasse pas les 120 dinars (44 dollars), les prix dépassent toute imagination et c’est la raison pour laquelle elle trimbalait un couffin presque vide. Elle n’avait acheté qu’un kilo de citron.

Souffrant d’hypertension artérielle, Saida ne sait plus quoi faire de sa pension de retraite qui ne couvre rien, ou si peu, de ses dépenses. Elle s’est également indignée face au non-respect des gestes-barrières anti-Covid tels que le port du masque.

Le Tunisien se plaint peu importe la situation

Seifeddine, un marchand de fruits habitant au quartier Ettadhamen du gouvernorat de l’Ariana (Grand-Tunis), considère que les Tunisiens n’arrêtent jamais de se plaindre face aux prix et qu’ils estiment que tout est tout le temps cher.

Les prix sont certes élevés au marché central de Tunis, mais les prix des fruits sont meilleurs qu’ailleurs, selon lui.

Il y a une grande différence, d’après lui, entre l’activité en 2020 et en 2021. Les marchands ne pouvaient pas travailler durant le Ramadan dernier, en raison des mesures restrictives instaurées à cause du coronavirus.

“Les forces de l’ordre venaient à 10H refouler les citoyens vers la porte de la sortie avant de nous pousser à fermer vers 11H”, s’est-il plaint.

Le marché central n’est pas destiné aux pauvres

S’agissant toujours des prix, l’inspecteur chargé du contrôle économique auprès du ministère du Commerce, Bechir Saoudi, avait un avis totalement différent de tous les intervenants qui l’avaient précédé.

“Tous les produits, fruits et légumes, sont disponibles en bonne quantité et avec des prix bas, moyens et élevés, adressés à toutes les tranches sociales”, a-t-il fait savoir, avant de lancer:” Si vous êtes pauvre, qu’êtes-vous venu faire au marché central? C’est un endroit où se vendent des produits alimentaires de qualité.

Mechichi a-t-il  évité la désobéissance civile ? 

Il est à rappeler que, lors d’une conférence de presse tenue mercredi 7 avril, en présence du ministre de la Santé Faouzi Mahdi, la porte-parole du gouvernement, Hasna Ben Slimane, avait annoncé une série de mesures à appliquer du 9 au 30 avril 2021, selon lesquelles les gouverneurs allaient pouvoir fermer les foyers de contaminations, tous les rassemblements publics et privés allaient être interdits, les marchés hebdomadaires fermés, les contrôles de l’application des gestes-barrières et des mesures en vigueur intensifiés et les voyageurs en provenance de l’étranger allaient impérativement observer un confinement de 5 jours.

Elle a également annoncé l’instauration d’un couvre-feu de 19H à 05H. Une décision qui avait créé une panique générale et suscité beaucoup de tensions sociales en l’espace de quelques heures, notamment dans les rangs des secteurs les plus touchés par les retombées économiques irréversibles de la pandémie.

Le chef du Gouvernement, Hichem Mechichi, s’était rapidement rétracté en faveur de l’opinion publique et en réponse aux revendications sociales d’une part et à la demande du président de la République, Kais Saied, d’autre part. Le couvre-feu a été repoussé à 22H.

Source Agence Anadolu en direct de Tunis 

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