Le Maroc ne pourra finalement accueillir les assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale qu'en 2022 1
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Agence Ecofin
lundi 13 septembre 2021 Dernière mise à jour le Lundi 13 Septembre 2021 à 10:51

Grâce à une politique ambitieuse d’investissement, le Maroc a réussi à construire une économie dynamique soutenue par une croissance continue. Cependant, l’actuel modèle semble avoir des limites auxquelles les membres de la future coalition gouvernementale devront trouver des solutions. 

En deux décennies, le Maroc a connu des transformations socio-politiques, mais surtout économiques, qui lui ont permis de se hisser au rang de champion africain. Le royaume a ainsi réalisé des investissements importants, notamment dans les domaines des infrastructures de transport et de l’industrie. Parmi les plus marquants figurent la construction de l’autoroute de contournement de Rabat, du terminal 1 de l’aéroport de Casablanca, mais également le lancement de la première ligne de train à grande vitesse d’Afrique pour près de 2,4 milliards $, ou encore la mise en place du complexe portuaire et industriel de Tanger Med.

Dans un rapport paru sur le pays en juillet, le Cabinet Deloitte estime que ces investissements « ont été accompagnés d’une libéralisation et d’une privatisation d’entreprises publiques à caractère commercial (Maroc Télécom, Régie des Tabacs), d’une ouverture commerciale sur l’extérieur, qui a été consolidée par la signature de nombreux accords commerciaux (UE, US, Egypte, Turquie, ZLECAF), et du lancement de plusieurs stratégies sectorielles dans […], l’agriculture, le tourisme, la pêche et les énergies renouvelables, ainsi que des stratégies transversales dans l’économie numérique et la logistique ».

Désormais, avec l’Egypte et l’Afrique du Sud, le royaume chérifien est l’un des poids lourds africains du secteur touristique. De plus, avec plus de 700 000 véhicules produits par an, le Maroc est devenu l’un des principaux hubs africains de construction automobile.

Ces différents secteurs économiques ont permis de soutenir une croissance économique continue. Mais surtout, grâce à ces transformations, le pays, qui est également producteur de phosphate, a pu se livrer à une offensive qui lui a permis d’imposer son leadership économique sur le continent africain, sous l’impulsion du roi Mohammed VI.

Selon le rapport de la DEPF « Développement des entreprises marocaines en Afrique : réalité et perspective », l’Afrique est la première destination des investissements marocains à l’étranger. Entre 2003 et 2017, les entreprises marocaines ont investi près de 4 milliards $ sur le continent, soit 60% des IDE sortants. Aujourd’hui le pays maghrébin est, avec l’Afrique du Sud, l’un des deux premiers investisseurs africains en Afrique, et occupe d’ailleurs la première place en Afrique de l’Ouest qui concentre plus de la moitié de ses investissements.

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Malgré les performances macroéconomiques, les inégalités demeurent 

Bien que cette politique d’investissements intensifs ait permis de soutenir la croissance pendant plusieurs années, tout en réduisant le taux de pauvreté (de 15,3% en 2001 à 4,8% en 2014 selon le HCP), les performances économiques du Maroc tardent à réduire les inégalités dans le pays. Selon Oxfam, le Maroc est le pays le plus inégalitaire d’Afrique du Nord. « Ni la croissance continue au cours des vingt dernières années, ni les progrès affichés en termes de réduction de la pauvreté n’ont été suffisants. La montée des inégalités représente d’ailleurs un risque pour poursuivre la lutte contre la pauvreté » indique l’institution dans un rapport produit sur le pays.

Malgré les bonnes performances de la croissance économique qui s’est affichée entre 2000 et 2017, 4,4% du PIB en moyenne, tandis que le PIB par tête progressait annuellement de 3,1%, selon le Haut-commissariat au plan (HCP), Oxfam estime qu’en 2014, les 10% les plus riches du Maroc avaient un niveau de vie 11,8 fois supérieur à celui des 10% les plus pauvres. « Trois milliardaires marocains détiennent à eux seuls 4,5 milliards de dollars, soit 44 milliards de dirhams. Leur richesse est telle que la croissance de leur fortune en une année représente autant que la consommation de 375 000 Marocain(e)s parmi les plus pauvres sur la même période » souligne l’organisation.

Des lacunes à combler

Pour réduire ces inégalités qui se sont notamment accélérées pendant la pandémie de la Covid-19, les autorités marocaines ont intensifié les investissements sociaux destinés notamment aux plus pauvres. Capitalisant sur cette crise, elles ont engagé des réformes fondamentales, telle que la généralisation de la protection sociale. Lancé en juillet 2021 par le roi Mohamed VI, le projet d’un montant de 5,7 milliards $ comprend quatre phases qui viseront chacune, jusqu’en 2025, l’inclusion de la population aux programmes d’assurance maladie, aux allocations familiales, au régime des retraites et à l’indemnité pour perte d’emploi.

Cependant, même si cette initiative manifeste la volonté du pouvoir royal de renforcer le caractère social de ses investissements, de nombreux experts estiment qu’il faudra encore plus d’efforts de la part de l’Etat pour parvenir à un modèle économique équitable envers toutes les classes sociales. Dans le secteur de la fiscalité, par exemple, l’ONG britannique Tax Justice Network estimait dans son rapport sur l’Etat de la Justice Fiscale dans le monde, publié en 2020, que le pays a perdu 69,9 millions $ en évasions fiscales par an. Une somme qui lui aurait permis d’accroître le budget de la santé publique de 20,23%. Aussi, les données du Global Tax Expenditures Database indiquent que le royaume chérifien a perdu l’équivalent de 2,57% de son PIB sous forme d’incitations fiscales en 2018. A titre comparatif, cela représente près de la moitié des dépenses publiques dans le secteur de la santé la même année et qui représentaient l’équivalent de 5,31% du PIB, selon les données compilées par la plateforme Global Data.

Le défi pour la prochaine élite politique sera d’accélérer les réformes en vue de trouver le juste milieu entre une volonté ambitieuse d’industrialisation, en attirant de grandes entreprises mondiales, et une gestion budgétaire plus juste. Une charge qui incombera notamment à l’homme d’affaires Aziz Akhannouch dont le parti est arrivé en tête des législatives du 8 septembre dernier, et qui devra se trouver des alliés en vue de former une nouvelle coalition au pouvoir. Une fois le nouveau gouvernement formé, le premier grand test sera la prochaine Loi des finances pour l’exercice 2022.

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