Egypte : Comment le réchauffement climatique menace l’approvisionnement en eau et la sécurité alimentaire du pays ?
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Denys Bédarride
vendredi 17 septembre 2021 Dernière mise à jour le Vendredi 17 Septembre 2021 à 09:33

Le territoire égyptien se caractérise par un climat chaud et désertique avec de faibles précipitations (20mm/an). Une nette augmentation des températures est observée sur les 25 dernières années. Le GIEC anticipe un réchauffement de 3 à 4°C d’ici 2100 dans la région ANMO. Dans un contexte de forte croissance démographique, +48% entre 2000-2021, la population devrait doubler sur la période 2020-2075 pour atteindre 200 millions d’habitants, cette hausse des températures exerce une pression forte sur les ressources naturelles.

Avec une consommation d’eau moyenne de 560m3/an/hab., lÉgypte approche le niveau de stress hydrique absoluLe secteur agricole, qui emploierait directement 30% de la main d’œuvre (55% en milieu rural) et ferait vivre 50% de la population et contribuerait à près de 12% du PIB, est particulièrement exposé au dérèglement climatique. 

Des littoraux particulièrement vulnérables à l’érosion côtière et la montée du niveau des eaux. 

Sur le littoral méditerranéendu Delta, le changement climatique se manifeste par l’érosion de la côteLe Delta du Nil, poumon économique du pays est une zone particulièrement vulnérable face aux inondations et l’intrusion souterraine d’eau de mer, qui accroît la salinité des terres. La densité de population (15% des Égyptiens vivent sur le littoral) et des actifs économiques accroît la vulnérabilité des villes côtières (Alexandrie, Damiette, PortSaïd) aux inondations éclair.

Sur le plan de la biodiversité, la végétation des lacs joue une fonction écologique importante (purification de l’eau, stabilisation des sols, fixation de l’azote) et constitue un refuge pour les animaux sauvages, dont de nombreux oiseaux migrateurs. Or, ces lacs ont vu leur surface se réduire en l’absence de crues du Nil et la construction d’une large route côtière3. En Mer Rouge, la hausse du niveau d’acidité des eaux nuit à la biodiversité marine (blanchiment des récifs coralliens) et aux volumes de pêche. 

Les atteintes à l’environnement exacerbées par les facteurs anthropiques du changement climatique

L’impact des activités humaines sur le climat peut se mesurer à l’aide de l’inventaire de gaz à effet de serre (GES) de l’Égypte, qui pointe le secteur énergétique comme première source d’émissions carbone (64,5% des émissions en 2015) suivi des activités agricoles, forestières et autres usages de la terre (14,9%), de la production industrielle (12,5%) et du secteur des déchets (8,1%).

La modernisation des usines industrielles les plus polluantes (cimenteries, briqueteries, pétrochimie, acier) pourrait permettre à elle seule de réduire de 40% la consommation énergétique du secteur industriel, tout en réduisant la pollution atmosphérique4. Les émissions générées par l’élimination des déchets solides et le traitement des eaux usées sont en nette augmentation (+34% entre 2005 et 2015 pour une croissance de la population de 22,5% sur la même période). L’amélioration des capacités de traitement et l’élimination de pratiques peu respectueuses de l’environnement (décharges et incinération à ciel ouvert) permettraient de réduire les niveaux de pollution.

Les impacts socioéconomiques du changement climatique sur la population égyptienne.

Au-delà de la hausse des températures induite par le réchauffement climatique global, des îlots de chaleur se forment dans les quartiers historiques et informels densément peuplés en raison de l’activité des usines, du trafic motorisé, l’absence d’espaces verts (0,33m2 d’espace vert/ habitant au Caire en 2009)et l’usage abondant de l’air conditionné (19% des ménages urbains équipés d’un climatiseur en 2015).La précarité énergétiqueguette les ménages à revenu intermédiaire qui ont vu leur facture mensuelle d’électricité exploser (passant de 23 EGP à plus de 200 EGP/mois en moyenne entre 2013 et 2020, soit 5% des dépenses des ménages) suite au démantèlement progressif des subventions à l’électricité.

Les engagements internationaux de l’Egypte «  Egypt vision 2030 «  

En adoptant l’Accord de Paris en avril 2016, l’Égypte s’est engagée à réduire ses émissions de Gaz à Effet de Serre (2,23 tonnes de CO2/habitant en 2014). C’est dans ce contexte qu’elle a fixé ses objectifs de développement sur 15 ans dans la stratégie nationale « Egypt Vision 2030 ». De réels efforts ont été entrepris dans le secteur de l’énergie, en termes de réformes et d’investissements. 

Par exemple, la mise en service du méga-parc solaire de Benban (Assouan) et de fermes éoliennes dans le Golfe de Suez a permis à l’Égypte d’augmenter de 83% sa génération délectricité à partir dénergies renouvelables au cours de la seule année 2019, pour atteindre 9,9% du mix électrique, soit la moitié de l’objectif intermédiaire des 20% en 2022 (42% en 2035).

Toutefois, le rapport CCNUCC de l’Égypte (2018) identifie une série d’enjeux de gouvernance faisant obstacle à la mise en œuvre de la stratégie 2030, dont la disponibilité des données et les ressources limitées de l’Egyptian Environmental Affairs Agency (EEAA), bras exécutif du MoE chargé d’élaborer les politiques publiques pour la protection de l’environnement et la préservation des ressources naturelles. Le cadre légal et réglementaire en matière de protection de l’environnement souffre d’une fragmentation de compétences.

Depuis quelques années, un virage stratégique des bailleurs vers la réalisation des O.D.D a permis de faire de l’action climatique un pilier de leur stratégie en Égypte. Le critère environnemental est pris en compte par le « comité de la dette » égyptien pour évaluer tout projet dendettement souverain.

En matière datténuation, le secteur des transports bénéficie dun soutien indéniable : extension et rénovation du métro du Caire (accord-cadre de financement de 400M EUR par l’AFD et 600M EUR par la BEI signé en 2012), programme de prime à la casse et de renouvellement des taxis vieillissant financé par la Banque Mondiale (8,32 M USD sur 2012-2021) ; projets de transport public au Caire et à Alexandrie.

Il en va de même pour le secteur des énergies renouvelables, en particulier le programme de tarif de rachat garanti du complexe solaire de Benban et le financement de parcs éoliens dans le Golfe de Suez.

Enfin, les banques européennes de développement ont recours à lintermédiation bancaire pour inciter, via la mise en place de lignes de crédits, le développement de projets verts par le secteur privé. La BERD a ainsi mobilisé 140M EUR dans le cadre de son programme de financement de l’économie verte « Green Economy Financing Facility » (GEFF) en 2017 et sécurisé une extension de 150M EUR en novembre 2020. Les lignes de crédit mises en place par l’AFD (375M EUR au titre de la finance verte) ont permis de financer des projets de dépollution industrielle, de gestion des déchets industriels, d’efficacité énergétique, etc.

L’émergence du concept d’économie verte comme outil d’attractivité des investissements 

Lancée en février 2020, la première émission souveraine dobligations vertes (« green bonds ») a permis à lÉgypte de lever 750M USD sur le marché international, destinés au financement de projets sélectionnés par les autorités dans les secteurs des transports, des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique ou de l’assainissement (le pipeline total de projet est estimé à 1,9 Mds USD). La Ministre du Plan et du Développement Économique, Mme Hala El-Sayed, a déclaré que 30% des projets financés sur le budget de lEtat sur lannée fiscale 2021/22seront des «projets verts» (8,8 Mds EUR) contre 15% en 2020/21 (2Mds EUR ayant permis de financer 691 projets), dont les critères sont précisés par un « guide pour la durabilité environnementale ».

Source Ambassade de France au Liban  

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