En effet, la pénurie de dollars, d’abord dans les banques commerciales dès la fin de l’année 2019 puis désormais à la Banque du Liban dont les réserves sont en baisse constante, entraine de facto une baisse significative des importations et une réorientation de la consommation vers la production locale. Le modèle économique libanais, jusqu’ici fondé sur les importations (le pays importe plus de 90% de ses besoins) se retrouve bouleversé. La crise que traverse le pays pourrait, si la volonté politique est présente, s’avérer être un « mal pour un bien » et être un déclencheur pour accélérer la transition profonde de l’économie libanaise d’une économie de services vers une économie productrice et tournée vers l’export.
Deux secteurs semblent prometteurs et présentent des avantages significatifs
Le premier est le secteur agricole. Parent pauvre des stratégies d’orientation économique au sortir de la guerre, le secteur présente un potentiel considérable et largement sous -exploité (il représente moins de 3% du PIB). En effet, dominé par les cultures à faible valeur ajoutée et caractérisé par un manque de coopération entre acteurs locaux, le secteur agricole peut être considéré comme la première étape de transformation de l’économie et nécessite, à ce titre, un effort de restructuration.
Celle-ci passerait d’abord par la promotion des cultures à forte valeur ajoutée ainsi que par l’intensification de la production par l’introduction de nouvelles technologies. Pour accompagner les efforts visant à optimiser la production et pour promouvoir l’exportation, le pays devra s’aligner sur les normes internationales (commerciales et sanitaires) et promouvoir la transparence du marché, à fin de protéger les petits agriculteurs. La France est active dans ce secteur et soutien la mise en place de normes et appellations d’origine (AOC/AOP) pour soutenir des filières à l’exportation.
Le deuxième est le secteur industriel. Aujourd’hui caractérisé par une faiblesse des investissements publics et par l’absence d’une stratégie nationale, le tissu industriel reste essentiellement constitué de TPE (plus de 90% des entreprises) et de groupes familiaux. L’objectif à court terme serait de développer une politique industrielle qui ciblerait en priorité les sous-secteurs à forts potentiels qui capitaliseraient aussi sur les atouts du Liban. La main d’œuvre qualifiée est le premier atout du pays et doit permettre de développer des investissements dans le secteur des nouvelles technologies et du numérique.
On peut aussi mentionner les produits destinés aux consommateurs qui dépendent fortement des capacités de conception et de marketing créatifs et sur lesquels le Liban dispose d’une bonne réputation (bijoux, parfums, cosmétiques…) Il s’agirait ici de s’appuyer sur cette réputation pour faire émerger des fleurons nationaux capables de se positionner sur les marchés régional et international.
L’industrialisation du pays doit aussi se faire à travers le développement de ses propres outils de production (usines et ateliers de fabrication) qui demeurent quasi- inexistants au Liban. Cet effort devra être accompagné par la mise en place de nouvelles formations professionnelles, un secteur où la France tente également de soutenir le Liban.
Le gouvernement doit mener une série de réformes holistiques, sectorielles et structurelles, avec pour but d’assainir l’économie, d’en renforcer la compétitivité et d’améliorer l’environnement des affaires. Car au-delà des initiatives locales, la transformation du modèle économique se fera aussi avec les entreprises étrangères et la capacité à attirer les IDE. Dans ce sens, des chantiers sont plus que jamais nécessaires et concernent l’ensemble des infrastructures du pays, en déliquescence depuis plus de 20 ans. Le dossier de la réforme de l’électricité en est l’exemple le plus connu.
Dans ce cadre, la conférence CEDRE, organisée le 6 avril 2018 à Paris, a permis de mobiliser plus de 11 Mds USD de financements auprès de la communauté internationale mais qui restent à ce jour inexploités face à l’absence de tout début de réformes ou mesures demandées par les bailleurs. A titre d’exemple, le Liban devrait entamer une réforme de la gouvernance qui toucherait tous les pans de l’action publique et qui permettrait l’émergence d’un service public transparent et à-même d’accompagner le pays dans sa transition économique.
Source Ambassade de France au Liban
Réagissez à cet article