Comment la Tunisie peut-elle gérer ses problèmes de déchets ? Quelles sont les solutions qui s’offrent à elle ?
#Analyse #Economie #Infrastructures #Institution #TUNISIE
Denys Bédarride
mercredi 29 décembre 2021 Dernière mise à jour le Mercredi 29 Décembre 2021 à 15:57

La Tunisie doit renforcer ses capacités et infrastructures de gestion des déchets. Si la gouvernance du secteur a été réformée en 2005 avec la création de l’ANGED (agence nationale de gestion des déchets), le cadre stratégique, règlementaire et fiscal du secteur nécessite d’être révisé. 

Plusieurs projets de centres de traitement plus innovants ont été définis, leur réalisation reste soumise à de nombreuses conditions : définition du modèle économique des concessions Design-Build-Operate, apport de financements extérieurs, sécurisation des terrains dans un contexte de mobilisation sociale forte dans ce secteur.

La révolution de 2011 a mis en exergue les déficiences chroniques du système de traitement des déchets en Tunisie.

La Tunisie produit environ 2,6 millions de tonnes de déchets solides municipaux (soit 0,6 kg/habitant/jour en moyenne) par an. Toutefois les disparités sont importantes entre milieu urbain où le taux dépasse parfois le 1 kg/habitant/jour et milieu rural où le taux descend jusqu’à 0,15 kg/habitant/jour). En 2018, la production de déchets ménagers et assimilés est évaluée à 2 686 420 tonnes dont presque 75% proviennent des dix gouvernorats du Nord-Est et de l’Est de la Tunisie. 

Ces déchets sont caractérisés par une forte présence de matières organiques (63,2%) alors que les déchets plastiques représentent un taux de 9,4%, textiles 8,7%, papiers 8,6% et métalliques 1,6%.

Le taux de collecte des déchets municipaux s’élève à 80% en milieu urbain alors qu’il descend jusqu’à 10% en milieu rural. 

Le mode de traitement utilisé aujourd’hui en Tunisie pour les déchets municipaux ménagers consiste à les enfouir dans des décharges contrôlées. Le pays dispose de 13 décharges contrôlées ou centres d’enfouissement technique. Le taux de recyclage des déchets reste toutefois faible et ne dépasse pas 4% ce qui est essentiellement dû au manque de projets privés de valorisation des déchets.

Depuis sa création en 2005, l’Agence Nationale de Gestion des Déchets (ANGED) a pour mission de piloter la création et l’exploitation des décharges du pays. 

Pour cela, elle a recours aux entreprises privées mais leur rémunération reste du ressort des municipalités – sur la base du coût à la tonne soit 20 DTN/tonne. Compte tenu des lourdes contraintes financières des communes, celles-ci ne prennent en charge que 20% du coût. L’Etat subventionne donc le traitement des déchets à hauteur de 80% à travers une écotaxe appliquée sur certains produits ou services. 

Une part des taxes d’habitation et des taxes hôtelières est aussi affectée à la collecte des déchets. Outre leurs difficultés financières, les communes manquent aussi de capacités humaines dédiées. On compte aujourd’hui quelques 1200 engins de propreté en activité dans les communes tunisiennes et presque autant, en panne, stockés dans les parcs municipaux.

Depuis 2011, les revendications de la part de la société se multiplient. La crise de Sfax en est l’illustration. Pendant plus de deux mois les déchets se sont entassés et des affrontements ont récemment opposé des citoyens aux militaires, déployés pour protéger les institutions publiques. Lors de manifestations à Agareb, non loin de Sfax, un homme est mort, asphyxié par les gaz lacrymogènes d’après ses proches et des témoins. 

Un poste de la garde nationale a été incendié le 9 novembre. La ville disposait de la deuxième plus grande décharge à ciel ouvert de Tunisie et recevait 80% des déchets du gouvernorat. 

Créée en 2008 pour une durée d’exploitation de cinq ans, la décharge avait fermé à la fin du mois de septembre 2021 sans qu’aucune infrastructure ne soit prévue pour assurer la continuité de la gestion des déchets de la région. Les détritus se sont donc accumulés pendant une cinquantaine de jours jusqu’à ce que les autorités soient contraintes de rouvrir la décharge d’Agareb, provoquant la colère des riverains. 

Par ailleurs, la municipalité du Grand-Sfax a débuté les travaux de construction d’une extension du dépotoir créé provisoirement début octobre.

Fin novembre, les représentants de la société civile et des organisations syndicales régionales décidaient d’un commun accord de déclencher un mouvement de grève générale et de désobéissance fiscale si la situation ne s’améliorait pas. 

Prévue le 10 décembre, la grève a finalement été reportée suite aux promesses des autorités centrales. Celles-ci se sont engagées à faire ramasser les déchets entassés dans les rues de Sfax pour les transférer vers un terrain domanial situé à 62 km de la ville. Ce terrain, loin des zones urbaines et des plantations, a été aménagé en une décharge provisoire. 

En outre, le ministère de l’Environnement a annoncé au début du mois de décembre le développement des partenariats publics-privés dans le domaine du recyclage et de la valorisation des déchetspour améliorer la situation du gouvernorat de Sfax. Mais plus que des mesures locales et ponctuelles, les autorités compétentes doivent définir un plan stratégique de traitement et de valorisation des déchets, le mettre en œuvre et l’évaluer régulièrement. 

Source Service des études économiques Ambassade de France en Tunisie  

Réagissez à cet article

Vos commentaires

Rejoignez la discussion

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *