Au cours d’une présentation sur la situation économique et financière des Territoires palestiniens, le 12 mai 2025, la Banque Mondiale a alerté sur les immenses défis en cours, près de dix-huit mois après le déclenchement de la guerre à Gaza. En 2024, le PIB palestinien a chuté de 27%, marquant la pire contraction économique en une génération. Gaza a été particulièrement touchée, avec une réduction de 83% de son PIB, tandis que la Cisjordanie a enregistré une baisse de 17%.
Les restrictions de mouvement, la perte d’accès au marché du travail israélien et l’instabilité budgétaire n’ont contribué qu’à détériorer davantage la situation. La pauvreté a explosé, passant de 29% en 2023 à près de 40% en 2024. La presque totalité des ménages de Gaza vivent dans la pauvreté et dépendent de l’aide humanitaire.
1. Santé : un système en effondrement.
Le secteur de la santé est gravement affecté tant en Cisjordanie qu’à Gaza. En Cisjordanie, les pressions budgétaires ont entraîné une dépendance croissante aux arriérés de paiement : en 2024, plus de 75% des achats de médicaments essentiels, des services hospitaliers et des évacuations médicales ont été financés par des dettes non réglées.
À Gaza, la situation est encore plus critique. Près de la moitié des hôpitaux (49%) et 60% des cliniques ne sont plus fonctionnels. Des épidémies, telles que la polio, réapparaissent, 650 000 personnes nécessitent un suivi pour maladies chroniques, et plus de 25 000 blessés requièrent une chirurgie réparatrice. Pratiquement toute la population présente des besoins en santé mentale. Les autres services sont surchargés et ne peuvent répondre aux besoins les plus élémentaires.
2. Éducation : interruption massive de l’apprentissage.
À Gaza, plus de 745 000 élèves et étudiants sont privés d’enseignement depuis le début du conflit. La plupart des établissements scolaires ont été détruits ou endommagés. Les initiatives d’apprentissage temporaire ou à distance demeurent marginales, entravées par les contraintes sécuritaires et logistiques.
En Cisjordanie, les grèves liées aux retards de paiement des salaires des enseignants ainsi que les difficultés croissantes de déplacement, avec la multiplication des check-points, ont compromis l’année scolaire. En 2023/24, les élèves n’avaient cours que deux jours par semaine. Pour 2024/25, l’année a commencé tardivement, avec un recours à l’enseignement à distance dans certaines zones. L’accès physique à plusieurs établissements reste bloqué dans certaines zones sous tension, notamment à Jénine, Tubas et Tulkarem.
3. Énergie : une panne presque totale à Gaza.
Le secteur énergétique de Gaza est paralysé : environ 80% des infrastructures ont été détruites ou gravement endommagées depuis octobre 2023. La seule centrale électrique est à l’arrêt, et l’approvisionnement israélien de 120 MW a été suspendu. Gaza connaît un quasi-blackout permanent, affectant les hôpitaux, la distribution d’eau et les systèmes de communication.
Les pertes estimées dans le secteur s’élèvent à 500 M USD. La remise en fonctionnement dépend d’un soutien technique et diplomatique international.
4. Sécurité alimentaire : dépendance à l’aide humanitaire.
La population de Gaza dépend quasi entièrement de l’aide internationale pour son approvisionnement alimentaire. Entre janvier et mars 2025, 77 000 tonnes de nourriture ont pu être livrées à 1,2 M de personnes, grâce à des trêves temporaires. Toutefois, la fermeture des points d’entrée en mars a interrompu tous les flux d’aide, aggravant l’insécurité alimentaire.
Le nombre de camions entrants est en chute libre, et l’agriculture locale est elle-même gravement affectée.
5. Secteur bancaire et financier : instabilité croissante.
Le système bancaire palestinien, longtemps considéré comme résilient, est désormais confronté à une instabilité aiguë. La rentabilité des banques a fortement chuté (indicateurs ROA et ROE), surtout à Gaza. Les créances douteuses représentent 5,1% du total des prêts, et les pertes sur liquidités s’élèvent à plus de 200 M USD. En parallèle, les crédits au secteur privé baissent tandis que l’exposition à la dette publique augmente, mettant les banques sous pression.
Les services bancaires sont également affectés par la fragilité croissante des relations avec les banques correspondantes israéliennes. Près de 6,8 Mds USD d’opérations transfrontalières sont menacées (import-export, recettes fiscales, paiements d’utilité publique), ce qui représente près de la moitié du PIB palestinien.
À Gaza, la pénurie de liquidités physiques a accéléré le recours aux paiements numériques : plus de 530 000 portefeuilles électroniques sont actifs. L’infrastructure iBuraq a traité 478 000 transactions au quatrième trimestre 2024. Toutefois, l’adoption reste incomplète, et des efforts sont nécessaires pour intégrer les fournisseurs et grossistes au système.
6. Finances publiques : déficit alarmant et dépendance à l’aide extérieure.
Le déficit budgétaire de l’Autorité Palestinienne atteindra 13,4% du PIB en 2025, soit environ 2,3 Mds USD. Les arriérés de paiement dépassent désormais 40% du PIB, et la dette intérieure franchit les seuils réglementaires. Les recettes publiques sont en baisse (3,2 Mds USD prévus en 2025 contre 4,3 en 2023), tandis que les dépenses augmentent sous l’effet de la crise humanitaire.
En l’absence d’accès aux marchés internationaux, l’aide extérieure reste la seule source viable de financement.
Source Ambassade de France à Jerusalem
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